Thom Yorke et Jonny Greenwood redonnent indirectement des nouvelles de Radiohead avec un deuxième disque pour The Smile, leur projet parallèle. "Wall of Eyes" a-t-il de quoi leur redonner le sourire ?
Pour certain.e.s, c’est un coup de vieux. Pour d’autres, une date cochée sur le calendrier : Radiohead fêtera ses 40 ans d’existence en 2025, et la majorité des fans n’ont pas vu le temps passer. Il y a celles et ceux qui ont grandi avec leurs anti-tubes des années 90 (Creep et Karma Police en tête), les rebelles qui préfèrent le virage électronique de Kid A ou encore la plus jeune génération étant tombée dans le trou sonique avec A Moon Shaped Pool, leur dernier album studio qui prend un peu la poussière : c’était en 2016 et depuis… plus rien. Hormis des rumeurs de nouvel album disséminés ça et là par Phil Selway, le batteur historique.
Pour autant, les amateurs du gang d’Oxford n’ont pas de quoi pleurer, puisque Thom Yorke et Jonny Greenwood s’activent depuis une paire d’années sur un projet parallèle : The Smile. Après un premier album sombre et impeccable en 2022, le groupe fondé avec Tom Skinner (batteur de Sons of Kemet) a profité du début d’année pour rempiler avec Wall of Eyes, un deuxième disque studio plus décomplexé – et plus calme – que le premier.
Pas de tube à l’horizon
Spoiler alert pour les fans hardcore de Radiohead : The Smile n’est pas Radiohead. Et comme Kid A s’éloignait déjà du succès mondial d’OK Computer, le deuxième album du trio publié en janvier 2024 semble lui-même s’écarter du premier essai en 2022. Moins de guitares, plus d’ambiances, des incursions dans le jazz cinématographique… la forme change, mais l’on reconnait encore l’âme des piliers Yorke et Greenwood, à la manoeuvre sur ce disque qui échappe aux modes comme au temps qui passe.
Enregistré entre Oxford et les mythiques studios d’Abbey Road, ce deuxième album de The Smile captive l’attention pour peu qu’on ait du temps à lui consacrer. La présence des cordes du très culte London Contemporary Orchestra est également une autre manière de prendre de la hauteur pour les deux Anglais qui semblent refuser catégoriquement la dictature du tube. Sur Wall of Eyes, il n’y en a pas un seul. A la place, des ballades folk sublimes qui évoquent un suicide en voiture (Bending Hectic), des titres mid-tempo qui tiennent sur le fil (Teleharmonic) et tout de même, des guitares comme sur le somptueux Read The Room, qui même s’il est rock, aurait difficilement trouvé sa place dans la discographie de Radiohead.
Verdict ?
Moins pleureur qu’à son accoutumée, le chant de Thom Yorke s’avère moins crispant que d’autres albums. Le bénéfice de la maturité, peut-être ? A 55 ans, l’Anglais n’a il est vrai plus rien à prouver. Le bénéfice de cet âge mûr, c’est une liberté artistique retrouvée pour ces musiciens qui ont refusé de devenir les concurrents de Coldplay. Et aussi des chansons dont aucune ne dure moins de 4 minutes. Il faudra donc d’accrocher, mais le jeu en chandelle. Et tant pis si Wall of Eyes ne réconciliera évidemment pas les fans et les détracteurs. Il permet au moteur de Radiohead de continuer à tourner plus que correctement, aidé en cela par Stanley Donwood, le graphiste de Radiohead qui signe encore une fois une pochette à l’image de la musique qu’on entend; mystérieuse, planante avec toujours cette impression pour les Anglais d’être scrutés par des centaines d’yeux.
Sans transition, celles et ceux qui souhaiteront les voir en concert devront attendre cet été : The Smile se produira le 25 aout à Rock en Seine, puis le lendemain au Krakatoa de Bordeaux.