Eiffel, avec Romain Duris et Emma Makey (vue dans Sex Education), sort en salle aujourd’hui. Mais, connaissez-vous l’histoire autour du film ? Installez-vous, elle vaut le détour.
Ce matin, Ginger nous parle donc de Caroline Bongrand. Elle est écrivaine et a publié une douzaine de livres et le dernier s’intitule justement “Eiffel et moi” (aux Éditions Amphora). En 1997, a 29 ans, elle part faire des études de cinéma à Los Angeles. L’idée ? Elle veut devenir scénariste. Caroline obtient un rendez-vous chez un producteur… Elle lui fait plusieurs pitchs… Mais elle n’arrive pas à convaincre… Un peu vexée, et sur un coup de bluff elle lui répond qu’elle a autre chose mais que c’est trop grand, trop beau et trop cher pour lui et qu’elle n’est pas sûre d’avoir envie de lui raconter cette histoire. or, il ne la laisse pas partir : Caroline finira par bluffer en inventant une histoire : “Gustave Eiffel a construit sa tour pour une femme qu’il a follement aimée et dont le prénom commençait par un A. Vous avez remarqué que la Tour Eiffel a la forme d’un A ? C’est une si belle histoire d’amour. Personne ne l’a jamais racontée”
Il ne faudra pas longtemps au producteur pour être emballé par l’idée : en 1998, elle signe avec ce producteur et quelques mois plus tard ils se rendent chez Paramount : Là, c’est un conte de fée absolu : à peine entré, le réalisateur lui dit qu’ils vont faire le film, que Liam Neeson sera Gustave Eiffel…Sauf que le projet tombe à l’eau… la raison ? Le producteur était en fait l’ex de la patronne chez Paramount…
En 1999, Caroline rentre à Paris et résume toutes ses notes dans un livre qui sort début 2000. Un jour, elle passe sur France Inter et en sortant une assistante lui dit “Bertrand de Labbey (directeur de la première agence artistique d’Europe) a appelé, il a laissé un numéro de téléphone, il faut l’appeler immédiatement”. Elle se retrouve alors dans son agence, Artmedia, et on lui dit que Gérard Depardieu a écouté l’émission, il veut jouer Eiffel. Il en a parlé à Isabelle Adjani, qui a adoré, elle veut jouer Adrienne, elle a parlé à Luc Besson qui veut faire le film. En deux heures, ils avaient complètement monté le projet. Autre problème, Luc Besson veut bien faire ce film mais en mettant seulement son nom. Caroline n’est pas d’accord. Une fois de plus, le projet tombe à l’eau. Pendant 15 ans plusieurs réalisateurs de renoms se penchent sur ce projet. Mais ils abandonnent les uns après les autres.
En 2013, Giannina Facio, la femme de Ridley Scott, appelle Caroline pour lui dire que Ridley veut en faire son prochain film. Caroline répond qu’elle n’a pas encore les droits, qu’elle va les récupérer chez un producteur. C’est un stop net : Ridley ne travaille que sur des projets neufs, qui n’ont pas encore été vus par d’autres…
En 2017, c’est Vanessa Van Zuylen (elle a notamment produit “Un homme à la hauteur” avec Jean Dujardin), qui la contacte. Vanessa imagine Martin Bourboulon à la réalisation. Or, il pose une condition pour faire le film : il faut qu’un très grand scénariste adapte et modernise le scénario. Thomas Bidegain entre alors en scène (scénariste de Jacques Audiard sur De rouilles et d’os ou un prophète, entre autre…) et bonne nouvelle, le courant passe bien avec Caroline. On entre alors dans une période “un peu technique pour elle”.
En 2020, elle apprend les dates de tournage du film par la presse. Caroline demande à venir sur le tournage, on lui répond que très compliqué. Heureusement, on finit par lui permettre de venir (mais sur une scène sans grand intérêt, en extérieur). Elle s’y rend et Romain Duris la regarde comme si c’était une extra terrestre, il n’avait jamais entendu son nom…
Peu de temps après, ils se voient avec le réalisateur, Martin Bourboulon, et elle comprend qu’elle a failli moulte fois être évincée du projet. Il lui dit que scénariste c’est un métier ingrat, un métier douloureux. Elle lui répond que ça dépend juste d’avec qui on travaille…. Ii l’histoire se finit en happy end, avec un projet finalisé qui sort aujourd’hui au cinéma, et son nom au scénario, il aura fallu 23 ans pour arriver à ce résultat.
Ça en dit long sur la difficulté d’être scénariste aujourd’hui, un métier toujours plus déconsidéré.