La dernière série à voir absolument sur Netflix ne s'appelle ni Black Mirror ni The Crown mais Chewing Gum et vous avez bien failli passer à côté.
Alors que le monte entier (enfin celui des abonnés Netflix) a les yeux rivés sur la toute nouvelle saison de Black Mirror et le lancement de The Crown, il y a de jolies pépites qui se cachent sur la plateforme de streaming. Tout comme Easy, qu’on vous recommandait chaudement pour animer vos dimanche après-midi d’automne, Chewing Gum mérite d’être vue. Loin de l’atmosphére douce amère de l’anthologie américaine, la sitcom britannique estampillée Netflix Original (mais diffusée d’abord outre-Manche sur E4), est une vraie bulle d’humour. Un humour franc et généreux alors que les séries comiques récentes tiennent plus souvent de la dramédie que de la comédie (Master of None, You’re the Worst, Jane The Europe 2). Chewing Gum occupe un registre similaire à celui d’Unbreakable Kimmy Schmidt. Même personnage central de grande enfant complètement naïve, même esthétique pop et coloré, même galerie de personnages secondaires plus gratinés les uns que les autres. Mais les comparaisons s’arrêtent là, quand Kimmy évolue dans un New York des quartiers en pleine gentrification ou carrément huppés, c’est au pied des blocks d’un quartier londonien défavorisé que se déroule Chewing Gum.
Le monde dépeint dans la série est celui dans lequel Michaela Coel, créatrice, scénariste et interprète principale de Chewing Gum, a grandi. Elle partage avec Tracey Gordon une éducation religieuse (trop) prononcée et qui l’a un temps coupée de la réalité. Tracey a ainsi tout de l’ado de 15 ans coincée dans le corps d’une grande gigue vierge de 24 ans, et qui décide subitement de faire l’apprentissage de la vie, enfin surtout celle sexuelle. Dans Chewing Gum tout ou presque tourne en effet autour du sexe, dans ce qu’il a de plus gênant et de plus drôle. A des années lumières des filles de Girls, qui cherchent un sens à leur vie et une place dans le monde, les interrogations de Tracey sont très prosaïques. L’humour de Chewing Gum est cru, souvent à la limite du bon goût. Mais si Tracey est complètement à côté de la plaque, elle n’en est pas moins attachante. On rit avec elle, et rarement d’elle, des situations très quotidiennes qui la laisse pourtant très démunie. Le spectateur est d’autant plus inclus au dispositif que Tracey s’adresse régulièrement à lui en parlant face caméra.
Alors que de nombreuses séries comiques jouent sur le sens du bon mot, de la punchline, ici le burlesque est de mise, avec des gags très visuels. Mais derrière les plaisanteries sur les godemichés, les plans à trois ou la tendance SM, se dessine aussi une peinture différente des quartiers pauvres d’une grande ville comme Londres. Loin du misérabilisme et de l’angoisse habituels, ici la mixité sociale et raciale s’épanouie dans une ambiance bon enfant, sans verser toutefois dans l’angélisme béat. Chewing-Gum série féministe ? C’est par petites touches qu’il s’exprime : passion exacerbée pour Beyoncé, personnages féminins qui se définissent autrement que par leur relation amoureuse, vision décomplexée de la sexualité… Chewing Gum est aussi légère que la sucrerie à qui elle emprunte son nom, et vous pourrez vous en régaler en une seule soirée (six épisodes de 22 minutes). Bon appétit !