Précédé d’une réputation très élogieuse, La La Land débarque enfin sur les écrans français. Aux Etats-Unis, il a conquis le public ( 74 millions de dollars de recette pour un budget de 30 millions comme la critique ( un chiffre record de 7 Golden Globes et des articles dithyrambiques ) avant une probable razzia aux Oscars en février prochain. C’est le troisième film de Damien Chazelle, après Guy and Madeline On a Park Bench et le déjà très acclamé Whiplash. C’est aussi le troisième film où Damien Chazellle met à l’honneur la musique qu’il adore, le jazz, et des thématiques qui le passionnent, l’art, la création, et les sacrifices nécessaires pour réussir (ou pas ). Mais alors que Whiplash était un film que l’on regardait en retenant son souffle, pris à la gorge par une mise en scène toute en tension, le très pop La La Land nous enveloppe dans une bulle euphorisante.
La La Land s’il ne révolutionne pas le genre de la comédie musicale, constitue un bel hommage au modèle du genre, Chantons sous la Pluie, ainsi qu’une déclaration d’amour à la ville de Los Angeles. Filmée sous toutes les coutures et par tous, devant la caméra de Damien Chazelle elle devient intemporelle, décor de cinéma de carton pâte. Un espace irréel où évoluent Mia ( Emma Stone), une aspirante actrice qui multiplie d’infructueux castings et Sebastian ( Ryan Gosling) un pianiste qui rêve d’ouvrir son propre club de jazz. Ces deux là se rencontrent, se chamaillent, s’aiment et entre temps on a le droit à quelques numéro de chants et de danses. Mais si les références à des classiques comme Un Américain à Paris, Les Parapluies de Cherbourg et Drôle de Frimousse se multiplient, on aurait pas dit non à plus de numéros.
Damien Chazelle semble en effet bien plus intéressé par le jazz qu’il essaye, avec une louable pédagogie, mais pas toujours très fine, de faire sortir de son injuste statut de musique d’ascenseur. La question de la création et de l’art y est aussi très prégnante, un sujet qui plait à l’Académie des Oscars qui a sacré Birdman deux ans auparavant. Hollywood, les rêves de vivre de son art, la reconnaissance, les fourvoiements artistiques, les choix professionnels au profit de ceux personnels, sont autant de sujets rebattus du cinéma mais qui sont ici sublimés par la mise en scène de Chazelle. Ce dernier maîtrise l’art délicat de la mise en abîme à la perfection, jusqu’à son étourdissant et sublime final qui pourrait bien vous arracher quelques larmes.
La réussite du film tient également à son duo star. C’est la troisième fois que Ryan Gosling et Emma Stone partagent l’écran, et leur alchimie y est à son meilleur. Si ces deux là n’ont pas le niveau, en danse et en chant, d’un Gene Kelly, un Fred Astair ou une Ginger Rogers, ils s’en sortent tout de même avec honneur. Emma Stone en particulier, l’actrice avait déjà montré des talents de danseuse dans le clip Anna ( Will Butler) et de lip synch chez Jimmy Fallon. L’actrice trouve ici un rôle à la hauteur de ses talents et de son visage, l’un des plus expressifs du cinéma américain. Quant à son compagnon, s’il joue une participation moins propice à l’expressivité, il n’en reste pas moins parfait dans le rôle du passionné et résigné Sebastian. Son Golden Globe du meilleur acteur n’était pas volé, tout comme le reste des récompenses et louanges récoltées par La La Land, formidable remède au cynisme et à la morosité ambiants.