Écrit par nadianeg - Publié le 30 Août 2016 à 14:55

Retrouvez notre critique du nouveau film de Bertrand Bonello, Nocturama (sortie le 31 août 2016), où Paris s'embrase, attaqué par un groupe de jeunes aux mystérieuses motivations.

Nocturama avait tout pour séduire, un nom mystérieux, une belle affiche où de jeunes gens font face à un Paris embrasé par une lumière dorée, et une bande-annonce intrigante. Mais encore fallait-il n’avoir rien lu au sujet du film pour être véritablement intrigué par le ballet de jeunes aux regards inquiets arpentant fébrilement les couloirs du métro parisien. Plus tard ils évoluent dans un grand magasin vide avant que le court teaser ne se conclue par l’embrasement d’une statue de Jeanne d’Arc. Au final, difficile d’arriver vierge devant le film, qui a fait couler beaucoup d’encre. La mini polémique l’entourant culmine avec son absence au Festival de Cannes dernier. Son réalisateur, Bertrand Bonello, est un habitué du raout cannois. Le film a pourtant été boudé par ses différentes sélections, la faute a priori à un sujet jugé trop douloureux. Qu’à cela ne tienne il a été sélectionné sous d’autres latitudes, au Festival International du Film de Toronto et à celui de San Sebastian.

Nocturama est l’histoire d’un groupe de jeunes qui posent des bombes dans Paris. Une thématique brûlante alors que les attentats de Nice et Paris sont encore tout frais dans la mémoire collective. Bertrand Bonello a pourtant commencé à travailler son scénario il y a bien longtemps, avant même les attentats de Charlie Hebdo et l’attaque de l’Hyper Casher de janvier 2015. Ironie du sort, le film devait s’appeler Paris est une fête. Soit le même titre que le livre autobiographique d’Ernest Hemingway, qui a connu un nouveau succès en librairie, 50 ans après sa sortie, suite aux attentats du 13 novembre 2015. Pas question alors pour le réalisateur de garder ce titre car son film n’a rien à voir avec les attentats revendiqués par l’Etat Islamique. A la différence des attaques terroristes de Nice ou de Paris, ici les motivations des terroristes n’ont rien de politique ou de religieux.

Le film dérange car il épouse le point de vue des jeunes terroristes, ce que l’on voit, c’est très exactement ce qu’ils voient, ce qu’ils perçoivent. L’absence de revendications des auteurs des attentats de Nocturama se double d’une absence de jugement de la part du réalisateur. Bonello n’entend pas expliquer, il montre et pose des questions. A chacun alors de mettre ce qu’il veut dans le hors champs. Nocturama est un film où l’on parle peu mais qui dit pourtant beaucoup. Sur l’air du temps, sur les contradictions de l’être humain, sur le cinéma et l’art en général aussi.

La seconde partie du film est probablement la plus réussie, installant un univers irréel alors même que ses protagonistes baignent dans un temple de la consommation aux contours familiers. Marques bien identifiées et chansons connues (Blondie, Willow Smith ou encore Chief Kief) servent de repères alors que les personnages errent dans le magasin comme dans leurs paroles. Plus le temps passe et plus celles-ci se réduisent comme peau de chagrin, pour ne plus être que la formulation de sentiment aussi primaire que la colère, la joie ou la peur. Nocturama est un film à la beauté troublante, une oeuvre dont on ne peut attendre aucune réponse alors même qu’elle nous noie dans de multiples questionnements. L’absence d’explications et de contrepoints ne font pas de Bertrand Bonello un complice de ses personnages. Cette absence offre en réalité un écho saisissant à l’incessante logorrhée dans laquelle commentateurs et spécialistes se perdent après chaque attentat. C’est cette absence et ses silences qui rendent le film si fascinant et si différent de ce qu’aurait pu être une oeuvre inspirée par des faits réels.