Quand Grand Corps Malade passe derrière la caméra, il prouve qu'il est aussi bon en slam qu'en cinéma. Pour lui, septième art et musique vont de paire et pour nous, c'est son talent et sa rage de vivre qui vont bien ensemble. La preuve avec Patients, son premier film (co-réalisé avec Mehdi Idir).
L’ENFER
A 20 ans à peine, Ben (Pablo Pauly) a tout pour lui. Sportif, des rêves plein la tête… il est promis à un bel avenir. Oui mais voilà, un accident bête vient tout remettre en question et brise ses rêves : un jour il se réveille en étant tétraplégique incomplet. Lorsqu’il ouvre les yeux dans sa chambre d’un centre de rééducation en région parisienne, on croit d’abord voir une réincarnation de l’Enfer. On ne vous parle ni du diable, ni d’un monde souterrain mais bien de l’Enfer sur terre : on vous parle d’un monde où un aide-soignant nommé Jean-Marie chantonne tous les matins en employant de façon excessive la troisième personne du singulier, d’un monde où M6 Boutique règne en maître sur le programme télé et où même le Nesquik semble avoir un goût amer. Vu d’ici, ça ne paraît pas si mal, pourtant. Mais quand on est cloué au lit, quand on a besoin d’une sonde ne serait-ce que pour uriner et quand on se demande si, oui on non, on retrouvera sa vie d’avant, c’est même pire que l’Enfer.
« J’SUIS PAS UN BON PATIENT, C’EST CA ? TU FAIS CA PARCE QUE JE SUIS NOIR ? » – Ben
Heureusement, Ben n’est pas seul. Autour de lui, il y a d’autres patients qui, comme lui, doivent apprendre la patience, justement. Farid (interprété par Soufiane Guerrab ) le lui annonce dès le départ : « Tu dois apprendre la patience, mon pote ». Mais la patience, c’est quoi ? Pour nous, c’est attendre plus de dix minutes dans la file du supermarché sans se plaindre. Pour eux, la patience, c’est prendre chaque jour après l’autre, c’est se dépasser à chaque séance pour qu’enfin, le corps progresse et réponde.
« BEN FALLAIT ETRE TETRA ! FALLAIT PAS FAIRE LES CHOSES A MOITIE ! » – Ben à Farid
Comment tenir ? Comment tenir quand les journées sont interminables et qu’il faut « gratter » des heures ? C’est humainement impossible. Et pourtant, ces jeunes ont une arme infaillible, l’humour. On le dit depuis toujours, on le répète partout, des salles de spectacles aux médias en passant par les réseaux sociaux : il faut rire de tout, tout le temps. Et pour rire, Ben et sa bande ne sont pas les derniers. Les vannes fusent comme des missiles, qu’ils soient à la cantine, à la piscine ou même en train de fumer un joint dans les couloirs du centre. L’humour, c’est la clé, c’est le phare dans la tempête, c’est la lumière dans le tunnel qu’ils semblent tous traverser. Steeve et sa manie de demander à Ben de lui passer le sel, Farid qui se plaint que les fauteuils empêchent les hommes de voir les fesses des filles… personne n’est épargné et à chaque fois, on rit avec eux.
« FAUT QUE TU COMMENCES A PENSER COMME UN HANDICAPE » – Farid à Ben
Pour continuer, il faut se trouver de nouveaux enjeux, il faut se découvrir de nouveaux rêves et surtout, il faut faire le deuil de la personne qu’on était avant, avant l’accident. Et ça, quand on a 20 ans, c’est la pire chose au monde. Pour Ben, ça veut dire renoncer à une carrière sportive, ça veut dire ne pas jouer la finale de Basket pour laquelle il a tant travaillé. Mais même si le choc est difficile à encaisser, il ne lâche rien – jamais. Parce que s’il y a une chose que cette immersion de deux heures dans un centre nous a apprise, c’est bien qu’il faut s’accrocher. Il faut s’accrocher à tout, tout le temps. Une rencontre, un sourire, une cannette partagée avec ses potes dans le hall du centre ou les progrès faits chaque jour, chaque petite étape franchie est une victoire et c’est surtout la preuve que rien n’est perdu.
« À LA FIN DE QUELQUE CHOSE, IL Y A BIEN UN TRUC A COMMENCER »
Des raisons d’aller voir Patients, nous pourrions vous en débiter des dizaines tant il y en a. Mais parce qu’il faut faire court, nous nous contenterons de dire que c’est un bijou d’humanité, d’humour et de rage de vivre. Quand on voit ces jeunes se battre tous les jours, quand on les voit lutter contre leurs corps abîmés, contre la fatalité et surtout, contre le regard des autres, on se dit que les héros de notre époque, les véritables héros, ce ne sont pas les gens qui descendent dans la rue, ce ne sont pas les politiques et encore moins ceux dont les visages sont placardés dans les journaux. Non, les héros, ce sont ces anonymes qui, tous les jours, se battent pour vivre. Quand les lumières se rallument, quand on sort de la salle sur nos deux jambes, on se rend compte de deux choses : la première, c’est qu’on a une chance incroyable que bien souvent, nous prenons pour acquise. Et la seconde, c’est que tous ces gens qui vivent au rythme des soins, méritent le meilleur. Parce que le pire, il ne le connaissent que trop bien.
Adapté du roman de Grand Corps Malade, Patients raconte l’histoire de Ben. Une histoire universelle, dont le propos est la vie dans un centre. Ce n’est pas un biopic, ce n’est pas non plus un drame. C’est un hymne à la vie.
En salles le 1er mars.