4 ans après The immigrant, James Gray est de retour dans les salles obscures. Le réalisateur des sublimes La Nuit Nous Appartient et Two Lovers revient dans un décor très différent de ses cinq précédents long-métrages. En troquant New York pour la jungle amazonienne et les immigrés russes juifs pour de nobles anglais, le réalisateur n’en a pas pour autant abandonné ses obsessions. Lost City of Z n’est pas un film d’exploration traditionnel, l’intime y tient une place prépondérante comme toujours chez James Gray. Un film que le réalisateur a porté pendant près de dix ans avant qu’il ne devienne réalité. A la manière de Terry Gilliam avec son Don Quichotte sans cesse repoussé, le film de James Gray a connu un développement extrêmement long. Adapté du roman éponyme de David Grann, le film est produit par Brad Pitt, qui devait aussi tenir le rôle principal. L’acteur renonce finalement ne se sentant pas capable d’interpréter un anglais. Il sera alors remplacé par Benedict Cumberbatch ( Sherlock ) mais celui-ci devra renoncer suite à la grossesse de sa femme, qu’il n’imagine pas emmener avec lui au milieu de la jungle amazonienne.
Toutes ces occasions manquées sur le tournage sont autant d’écho à l’histoire du film. Celle du Colonel Percy Fawcett, explorateur sur le tard, envoyé par le Royaume-Uni pour une mission de cartographie au cœur de la jungle bolivienne. Sur place, il est persuadé de découvrir les restes d’une civilisation primitive et jamais mise à jour. Mais contrairement à Cumberbatch, notre héros choisit de laisser sa femme enceinte derrière lui, et le voilà parti pour vingt ans d’explorations et d’aller-retour entre l’Angleterre où vit sa petite famille et cette jungle qui l’obsède. C’est finalement Charlie Hunnam ( Sons of Anarchy, Pacific Ri) qui se glisse, avec beaucoup de talent, dans le costume de Percy Fawcett, militaire frustré par une carrière stagnante. Envoyé à des milliers de kilomètres de chez lui pour une mission laborieuse à laquelle il semble d’abord rechigner, il se laisse finalement dévorer par celle-ci. A ses côtés quelques fidèles compagnons dont Henry Costin, interprété par un Robert Pattinson méconnaissable. Sa femme ( Sienna Miller) voudrait bien être également du voyage mais Fawcett, bien qu’il se croit progressiste, la cantonne à son rôle de mère au foyer et la réduit au rôle de témoin impuissante. Un personnage auquel le spectateur s’identifiera sans mal, notre explorateur est un homme passionné et que l’on a envie de croire mais n’est-il pas dans le déni ?
C’est cette obsession que James Gray filme avec la touche qu’on lui connaît, et sa capacité à saisir les visages tourmentés comme nul autre. Dans cette tâche il est aidé par la photographie sublime de Darius Khondji, chef opérateur de renom avec qui il avait déjà travaillé sur The Immigrant. Cet homme qui abandonne sans cesse sa famille à la quête d’une civilisation, dont les preuves d’existences tangibles sont bien maigres, est comme tous les personnages de James Gray à la quête de lui-même. Échappant sans cesse à sa famille aimante, pour trouver dans une jungle lointaine la transcendance qui lui manque. La question de la filiation, que le réalisateur New Yorkais interroge depuis ses débuts, se dessine également en filigrane avec la relation d’amour-haine qui lie le père absent à son fils aîné. Sous ses airs de films d’aventure où la jungle dévore un homme, The Lost City of Z est bien une nouvelle fois la preuve que chez James Gray c’est l’homme lui même qui se laisse dévorer par ses propres tourments, causant sa propre perte.