Souvenez-vous : au début des années 2000, des groupes comme les Strokes, les White Stripes et les Libertines débarquent avec leurs guitares et leurs jeans troués, et rallument la flamme du rock’n’roll. À la suite de ce « revival » électrique, d’autres formations suivront (The Kills, Arctic Monkeys, The Killers, Bloc Party, etc.) et reprendront les bonnes vieilles habitudes de leurs parents, à savoir jouer un style de musique délaissé par la nouvelle génération au profit du rap et des musiques électroniques. Et parmi les groupes phares de l’époque, il y a Franz Ferdinand.
Le groupe se forme à Glasgow en Écosse et répète à ses débuts dans un entrepôt désinfecté d’art déco. Dès 2002, ils sont repérés par le label Domino qui voit vite le potentiel du groupe dont les influences (Gang of Four, Blur, Blondie, The Fall, New Order) sont bien digérées. Le premier EP Darts of Pleasure, composé de trois titres, sort en 2003 et s’accompagne des premières tournées et couvertures de magazines. Il y a donc un petit engouement 50% pop 50% rock autour de Franz Ferdinand. Mais l’année suivante, et avec le single Take Me Out, les choses vont s’intensifier. Car si les Libertines ont l’attitude destroy, les Strokes la coolitude et les Kills le charisme, Franz Ferdinand possède un atout de taille : une efficacité redoutable.
La précision rock
Take Me Out est inspiré d’un film qu’Alex Kapranos (le leader du groupe) a regardé, Stalingrad (2001). Il raconte l’affrontement entre deux tireurs d’élite. Pour lui, l’attitude de ces deux soldats est comparable aux tensions aux débuts d’une relation amoureuse où tu ne peux pas anticiper la réaction de l’autre. Dans le morceau, le garçon est le sniper qui cible une fille lors d’une fête, d’où la phrase : ‘‘je suis simplement un viseur, je ne suis qu’un coup (de feu), alors nous pouvons mourir’’. L’expression « take me out » peut quant à elle signifier deux choses : sortir dans un bar ou alors… se faire tuer.
Pour des questions de rythmique, le groupe galère à trouver le bon tempo entre les refrains et les couplets. Alex a alors l’idée de jouer d’abord les couplets puis de ralentir le morceau pour intégrer le fameux riff et enfin le refrain. Musicalement, Alex Kapranos a confié s’être inspiré du blues (Hubert Sumlin, Howlin’ Wolf) pour créer les mélodies. L’une des parties jouée à la guitare s’avère être un preset bluegrass d’un vieux synthétiseur Yamaha des années 90.
Tony Blair est ultra fan
L’effet Take Me Out est réel. L’album sort le 9 février 2004 et se vend à 200 000 copies en moins d’un mois (le million d’unités vendues sera vite dépassé). GQ qualifie les Écossais de « meilleur groupe de l’année » et la vague rock dansante de Franz Ferdinand se propage partout dans le monde. Il faut dire que les garçons ne sont pas dans le cliché rock : le design est inspiré par des mouvements artistiques bien précis comme le dadaïsme ou l’avant-garde russe (et par Kraftwerk, un groupe allemand culte des années 70), ils se fascinent pour des acteurs underground et leurs clips font référence à de vieilles émissions de la BBC. ‘‘En fait, je pense que nous sommes beaucoup moins prétentieux que des groupes qui prétendent être plus stupides qu’ils ne le sont vraiment’’, tacle Alex Kapranos en 2004 lors d’une interview pour GQ. Fun fact : Franz Ferdinand deviendra également le groupe préféré de Tony Blair, alors Premier ministre.
Vingt ans plus tard, Take me Out est toujours un banger en soirée et en concert, renvoyant à une époque dorée pour l’indie rock. Il serait en revanche temps que Franz Ferdinand revienne avec un nouveau disque : le dernier album, Always Ascending, date de 2018. Who wants to take them out ?