Rencontre et interview avec Anna of The North, chanteuse à la voix cristalline et vrai-faux groupe de dream pop !
Anna of The North était en concert en octobre dernier au Pop Up du Label, quelques mois après qu’on l’ait “découverte” dans une petite salle du festival Eurosonic ( Groningen, Pays-Bas). A l’époque, la jeune femme n’avait pas encore dévoilé son premier album, le très attendu Lovers. Un opus présenté début septembre et dont on avait hâte de discuter avec la principale intéressée. Un bel ouvrage de dream pop travaillé à quatre mains, les siennes et celles de Brady Daniell-Smith. Parce qu’Anna of the North est un groupe qui ne dit pas son nom et qui avait de quoi intriguer, on est allé à la rencontre de la chanteuse quelques heures avant sa performance parisienne.
europe2.fr : Peux-tu nous parler de la rencontre qui a un peu bouleversé ta vie et sans qui on ne serait peut-être même pas en train de se parler aujourd’hui. Il me semble que l’histoire est assez originale…
Anna of The North : Il y a quatre ans je travaillais pour une magasin de vêtements de bébé en Norvège, j’avais fini d’étudier le graphisme. Je n’avais jamais vraiment pensé à voyager mais un jour une dame est arrivée dans la boutique et elle m’a énormément parlé de voyage en me disant “je pense que tu devrais voyager ça serait vraiment bien pour toi”. Elle est revenue plusieurs fois et elle insistait beaucoup à propos des voyages “ tu ne devrais pas être ici, tu devrais être ailleurs”. La dernière fois où elle est venue, je lui ai dit “la prochaine fois que vous passerez cette porte, je ne serai pas là, je serai dans un autre pays”. Deux mois après notre rencontre, j’étais en Australie.
Pourquoi l’Australie et pas ailleurs ?
Je voulais aller dans un pays où on parle anglais, je voulais partir aussi loin que possible de mon ex, et ne pas pouvoir revenir dans ma zone de confort ! J’avais lu beaucoup de choses sur l’Australie, et sur Melbourne en particulier. Je n’ai jamais pensé que je pouvais avoir un travail de 9h à 17h, j’ai besoin d’être créative donc je n’avais pas trop de plan, je me suis inscrite à l’université…
Mais est ce que tu avais envisagé d’entamer une carrière musicale avant de partir là bas ?
J’ai toujours été intéressée par la musique, ça a toujours été un rêve, je chantais et j’écrivais dans ma chambre. Mon père est musicien, il a un studio d’enregistrement à la maison, il m’avait donc déjà enregistré à plusieurs reprises. La musique a toujours été très importante dans ma vie mais je ne suis pas le genre de personne à dire “je vais devenir musicienne, regardez moi bien” (rires). A Melbourne, j’ai pris l’habitude de parler de musique et d’improviser quand j’avais un peu bu (rires). Les gens sont tellement créatifs là bas, j’y ai rencontré plein de personnes qui m’ont aidée à me lancer.
Est ce la rencontre avec Brady qui a été déterminante ?
On s’est rencontré deux trois fois à Melbourne, on a parlé un peu, on s’est échangé de la musique mais on avait pas du tout prévu de faire quelque chose ensemble. Même quand on a publié Sway (chanson repérée par The Chainsmokers qui la remixeront, NDLR) sur Souncloud, ce n’était pas un truc sérieux. Brady a publié Sway une nuit, je me suis réveillée le lendemain et il m’a dit “ hey au fait tu es Anna of The North”. Et puis petit à petit il y a eu des questions “qui est Anna of The North ? qui est l’équipe derrière ?”
D’ailleurs Anna of The North c’est un groupe formé d’Anna et Brady, ou c’est une chanteuse ?
On fait tout ensemble musicalement. On choisit de bosser sur les chansons qui nous plaisent à tous les deux. On a une règle avec Anna of The North, c’est qu’on doit être tous les deux d’accord avant de dévoiler une nouvelle chanson, c’est bien une dynamique de groupe qui nous anime…
Qu’est ce qui est particulièrement “du nord” chez toi, est ce que tu te sens très connectée à la musique scandinave ou plutôt à l’électro pop anglo-saxonne ?
Le nom a été choisi parce que je viens de Norvège, tout au nord du globe. Notre musique est électronique et j’ai un petit accent, mais j’écoute vraiment de tout. Mes influences sont plutôt du côté de ce que j’écoute comme Wet et Blood Orange. Je n’aime pas classer les choses dans un genre, j’ai envie de pouvoir explorer plein de choses. J’ai envie que le second album aille vers quelque chose de complètement différent d’ailleurs !
On peut donc imaginer que tu quittes la dream pop pour embrasser la tropical house comme sur Fire par exemple ?
J’ai déjà envie de faire de nouvelles chansons mais je ne sais pas encore où cela va me conduire. On a bien sûr envie de faire de la musique que les gens puissent écouter, mais j’ai surtout envie d’être moi même et de faire les choses avec passion, c’est ma seule ligne directrice.
L’album est superbement construit il s’ouvre avec Moving On un titre qui semble nous dire “bon les gars vous allez entendre toutes ces chansons d’amour un peu triste mais à la fin ça ira, tout va s’arranger”…
(rires) C’est un album de rupture, mais on voulait que ce soit quelque chose de positif, les meilleures chansons sont celles qui vous touchent que vous soyez triste ou heureux. Le but de l’album n’était pas de vous rendre misérable, le but était plutôt de proposer des chansons qui vous donnent de l’espoir avec l’idée que même si maintenant ça ne ne va pas du tout, tout va s’arranger parce que ça ne peut pas être pire que ça ne l’est déjà (rires)
L’album est très personnel, tu t’es beaucoup inspirée de tes propres histoires, laquelle a été la plus dure à écrire ?
Friends ! J’étais en pleine rupture quand on a fait l’album et c’était un moyen de se poser des questions sur ce qui m’arrivait. Sur cette chanson on explore le sentiment très bizarre d’être totalement connectée à une personne et soudain elle ne représente plus rien du tout. Je n’avais pas envie que ça se soit trop triste alors on a enchaîné avec Fire (rires)
Someone rappelle un peu Bette Davis Eyes de Kim Carnes …
Oui, tu n’es pas la première à me le dire (rires) Avec Brady on pense que c’est toujours bien d’avoir une chanson qui rappelle quelque chose aux gens, ça les aide à connecter. Ce n’était pas forcément le but de cette chanson mais avec Brady on adore plein de titres des années 1980. Je me souviens de mon père qui écoutait toujours Phil Collins, Toto, ce genre de chose. C’est quelque chose qu’on partage avec Brady.
En 2016 tu as assuré la première partie de concerts de Kygo, ce qui peut paraître assez étonnant vu vos styles respectifs, comment est-ce arrivé ?
Son manager m’a appelé un jour pour me dire “tu vas faire la première partie de Kygo, t’es prête ?” Tu ne crois jamais ce genre de chose tant que ça n’est pas arrivé ! Ça nous a beaucoup servi en tant que groupe en plein lancement, c’était vraiment bien. Ça m’a aussi permis de grandir en tant que personne et performer, c’était une tournée vraiment très importante.
Cela t’a aidé à surmonter ta peur de la scène ?
La tournée avec Kygo m’a vraiment aidée oui. Je me sens plus confiante, je me retrouve également plus dans ma propre musique. Tu peux te sentir hyper créatif, parce que dans ta tête ça sonne bien, mais en concert ça peut être reçu différemment, j’ai dû apprendre à y croire. J’ai hâte de voir ce que me réserve l’avenir, jusqu’où je vais aller… Au début je n’aimais pas tellement les lives et maintenant j’aime vraiment ça !
Autre rencontre entre ton univers et un autre auquel on ne s’attendait pas, c’est bien sûr ta collaboration au dernier album de Tyler The Creator…
Taco d’Odd Future (collectif hip hop dont fait également partie Tyler The Creator, NDLR) est entré en contact avec moi via les réseaux sociaux il y a deux ou trois ans. Ensuite il est venu jouer dans des festivals en Norvège, je l’ai rencontré là bas et on est resté en contact. Quand ils ont commencé à bosser sur l’album de Tyler ils m’ont juste contactée en me disant “est ce que tu peux nous aider ?”
Ça a dû être une expérience un peu spéciale au vu de la personnalité de Tyler…
C’était complètement fou, j’ai enregistré une chanson puis une autre. Mais je ne voulais pas en parler à tout le monde parce que j’avais peur d’avoir le cœur brisé si jamais les chansons ne finissaient pas vraiment sur l’album. Il y a eu un délai en plus dans le dévoilement de 911 donc j’ai cru que ça n’arriverait pas. Quand la chanson est finalement sortie mon téléphone a explosé, tous mes proches étaient super étonnés ! J’ai beaucoup de respect pour Tyler et ce qu’il fait, c’est un artiste incroyable. J’ai eu beaucoup de chance de travailler avec des gens aussi gentils et avec une énergie aussi folle.
Il y a d’autres artistes auxquels on ne penserait pas du tout et avec qui tu rêverais de collaborer ?
Je ne sais pas, en fait c’est difficile d’imaginer plus incroyable que Tyler The Creator ! Il y a plein de gens géniaux qui me font rêver. Je crois beaucoup aux rencontres, il y a beaucoup de gens qui m’intéressent donc je finirai par entrer en contact avec eux, on verra à ce moment là…
Tu écoutes quoi en ce moment ?
Honne, Blood Orange, j’écoute aussi beaucoup de Céline Dion, c’est ma chanteuse préférée !
Céline Dion, vraiment ?
Mais oui, je l’adore, elle est géniale, elle m’a aidé à traverser beaucoup de choses (rires)
Propos recueillis par Nadia Neghyef pour europe2.fr