Charlotte Gainsbourg exorcise ses peines dans Rest, un album splendide (critique)

Une éternité plus tard, Charlotte Gainsbourg revient aujourd’hui avec Rest. Un album intime et déchirant, sans doute le plus beau de sa carrière. 

À l’heure où les tubes insipides s’enchaînent sur les ondes radio et dans les charts, se succédant les uns après les autres, certains projets se détachent de la meute. C’est le cas de Rest, le nouvel album que Charlotte Gainsbourg a enregistré pendant une année à New York – la ville où elle réside depuis la disparition de sa soeur Kate Barry fin 2013 – en étroite collaboration avec le musicien-producteur français SebastiAn. Presque dix ans sont passés depuis la sortie de IRM, une vingtaine de films plus tard, la présence de Charlotte Gainsbourg la chanteuse a été manquée. C’est donc avec Rest, un album intime qui s’est vite transformé en besoin vital pour l’artiste, qu’elle revient aujourd’hui. « Elle voulait faire quelque chose avec toute cette tristesse qu’elle avait », déclare SebastiAn au moment de sa rencontre avec Charlotte. C’est donc logiquement qu’on retrouve une mélancolie infinie, plusieurs douleurs et peines et une noirceur éclatante au fil des pistes qui forment Rest, hanté par les fantômes familiaux.

Le ton est donné dès la première boucle de synthé dramatique de l’envoûtant « Ring-o-Ring O’ Roses ». Une ouverture parfaite, sombre, qui nous plonge dans les années de la Factory de Warhol. Admirable comment les deux Français ont réussi à marquer le disque d’une ambiance très New York, nocturne et glaciale, et cela durant la toute première partie de Rest. Pour la première fois, Charlotte Gainsbourg chante majoritairement dans sa langue maternelle, et il est difficile de ne pas entendre-là Serge et Jane qui s’entremêlent à chaque respiration, à chaque mélodie. Comme un hommage, un héritage dont on prend conscience. Sur « Lying with You », on se rappelle Adjani période Gainsbourg, l’électro pure et sophistiquée de SebastiAn enveloppe magnifiquement la voix de l’artiste.

Sur le déchirant « Kate », notre piste favorite qui aurait pu être composée par son père, Charlotte se souvient de sa soeur : « Tes cheveux de cendre / Ton âme trop tendre / Que rien ne berçait / Tu disparaissais / Dressée à l’alcool / Sans qu’il te console / Perdue à jamais / Si seule à t’attendre / Tiens mon cœur à fendre / Qu’est-ce que t’en as fait ? / Crois-tu qu’on s’ressemble ? / On devait vieillir ensemble ». Les violons, les changements de tonalité, sa voix d’enfant retrouvée… Du grand Gainsbourg. La mélancolie rôde toujours quand viennent « Rest » (produite par Guy-Manuel des Daft Punk), « I’m a Lie » ou « Les oxalis » qui clôture l’album sur un rythme disco, malgré des paroles immensément tristes où Charlotte se recueille sur la tombe de sa soeur. Il y a aussi de jolis moments lumineux, aux envolées majestueuses comme « Deadly Valentine » ou le surprenant « Sylvia Says » plein de groove.

Que ça soit la quasi-berceuse acoustique « Dans vos airs » (en collaboration avec Connan Mockasin) qui rappelle par moments Françoise Hardy ou « Les crocodiles » très aérienne et Airesque, l’album se termine avec un chagrin presque consolé, une envie de nouveau départ sans oublier ceux qui ne sont plus là. Seul ovni de Rest, le titre « Songbird in a Cage » écrit par Paul McCartney en 2011. Encore une fois, la chanteuse aidée par SebastiAn a réussi à s’approprier l’univers du grand Beatles, la grande classe. Sur son quatrième album studio, Charlotte Gainsbourg se livre entièrement en tentant de se délivrer, dans la plus grande sincérité, pour elle, par nécessité et pour honorer les siens. Chez les Gainsbourg, c’est avant tout une solide et belle histoire de famille. Et nous de notre côté, on a déjà succombé.

Vous pouvez modifier vos préférences en cliquant içi :