Il y a plusieurs dates marquantes dans l’histoire des Rolling Stones. Celle du 17 octobre 1961, quand Mick Jagger et Keith Richards se sont rencontrés à la gare de Dartford, dans la banlieue de Londres. Celle du 12 juillet 1962, le premier concert du groupe au Marquee Club de Londres. Et il y a bien évidemment celle de la sortie du premier album. En Angleterre, c’était le 16 avril 1964, soit 60 ans jour pour jour.
À l’époque, les Rolling Stones ne sont pas encore les Rolling Stones. Ce sont cinq jeunes (Mick Jagger, Keith Richards, Brian Jones, Charlie Watts et Bill Wyman) fans de blues et de rock — Muddy Waters ou Bo Diddley — qui se disent qu’ils sont eux aussi capables d’imiter leurs idoles. Ils rêveront de ça dans un appartement miteux de Fulham, au 102 Edith Grove pour être précis, en espérant que le blues puisse les sauver de cette vie de misère.
Une première chanson signée Jagger-Richards
En janvier et février 1964, les garçons passent quelques jours en studio pour mettre en boîte un premier album, principalement composé de reprises de blues, comme Honest I Do de Jimmy Reed, I Just Want to Make Love to You de Willie Dixon ou encore Carol de Chuck Berry. Au total, il y a neuf reprises, deux chansons écrites par le groupe et une chanson issue du duo Jagger-Richards (Tell Me), la première d’une très longue liste. Même s’ils sont jeunes, les cinq Anglais ont passé l’année 1963 à jouer ces morceaux sur scène en live. Ils les connaissent donc sur le bout des doigts.
Le manager du groupe, Andrew Loog Oldham, mesure assez vite le potentiel commercial du groupe. C’est pour cette raison qu’il décide de mettre les cinq garçons en costume (comme les Beatles) sur la pochette de l’album, histoire qu’on identifie les futurs chouchous du pays. Et c’est pour cette même raison qu’il oblige le groupe à composer ses propres chansons, un procédé plus créatif et rémunérateur que les reprises. À l’intérieur du vinyle, Andrew écrit ces mots-là : « les Rolling Stones sont plus qu’un groupe, c’est un mode de vie. Un mode de vie qui a captivé l’imagination des adolescents du pays ». Le but est clair : plaire à la jeunesse du pays qui cherche des sources d’excitation pour s’échapper d’un quotidien et d’un futur pas très enthousiasmant.
Succès immédiat
Avec un Brian Jones au top de sa forme et Mick Jagger qui fait des prouesses vocales, les Rolling Stones deviennent l’un des groupes les plus attrayants de la British Invasion, le terme inventé pour évoquer la vague de formations britanniques à truster les charts américains (les Who, les Kinks, les Beatles, les Zombies, les Small Faces, les Animals, etc.). Les Stones parviennent à la fois à plaire aux Américains — en rendant hommage aux légendes du blues — mais aussi aux fans en Europe qui s’identifient plus facilement à ces jeunes mecs blancs qu’aux stars noires du blues.
La suite, c’est clairement un trip sur la route 66 vers le succès : une première tournée américaine, des concerts avec les Ronettes, les fans deviennent hystériques, les émissions de télévision veulent avoir le groupe sur leurs plateaux et la machine commence à se mettre en route. La même année, en 1964, les Stones participent à une émission, le T.A.M.I Show, en compagnie de plusieurs grands noms de la musique comme James Brown, Marvin Gaye, les Beach Boys ou encore The Supremes. La preuve qu’ils font désormais partie des formations qui comptent.
Soixante ans plus tard, en 2024, les Rolling Stones existent encore. Alors certes, il s’est passé un milliard de choses entre-temps (des embrouilles, des décès, des albums incroyables, des histoires de justice, de drogues, d’amour, de haine, etc.). Mais une chose est restée intacte pendant tout ce temps : cet amour pour le blues, présent dès les débuts, et qu’on retrouve jusqu’au dernier album en date, Hackney Diamonds.