« C’est très bête, mais j’ai l’impression de perdre un ami… » – Ce genre de commentaire, je les ai retrouvés dans mes fils d’actualités, tous réseaux confondus. Hier, le monde s’est réveillé en apprenant la mort de David Bowie. Ses proches attestent qu’il est parti « paisiblement » mais pour le commun des mortels, ce fut violent. Percutant. Impactant. Certains ont fumé pour s’en remettre, d’autres ont marché -hagards- en allant au bureau, personne n’a vraiment compris. Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que ce n’est pas un canular, une mauvaise blague d’un mec dont la gueule de bois de samedi soir ne passe pas ? On pourrait trouver ça ridicule mais David Bowie n’était pas qu’un artiste, c’était un mythe. Heure par heure, les hommages fusent ; Il était « inspirant », « unique » ou « incroyable », les qualificatifs varient mais les plus grands artistes sont unanimes : David Bowie était grand. Toute la journée, les gens s’expriment, partagent des clips vieux de 20 ans, ressortent leurs vieux vinyles ou même leurs souvenirs de concerts ; chacun gère son choc comme il peut.
Après, il y a les rabats joie – ceux qui clament qu’on se réveille maintenant qu’il n’est plus là, qu’on ne le connait pas ou peu, ceux qui attestent que savoir qu’il est l’homme qui se cache derrière Starman ne fait pas de nous des « fans »… Il faut de tout pour faire un monde, il paraît. Sauf que ce qu’ils ne savent pas, ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que David Bowie ne fait pas seulement partie de l’Histoire du rock ou de la Musique, il fait surtout partie de nos vies. J’ai vingt ans et pourtant, j’ai grandi avec ses personnages ; Il y a eu Halloween Jack, Ziggy Stardust et son espèce de réincarnation, Aladdin Sane ( très joli jeu de mots, en passant), pour ne citer qu’eux. Prenez un ado de quinze ans qui ne connaît rien de son oeuvre, il reconnaîtra forcément Life on Mars ou Heroes. Pourquoi ? Parce que Bowie s’est inscrit dans notre culture, il en a même écrit une partie. Alors oui, on pleure, même si ça en dérange certains. Mais où est le mal ?
L’homme aux mille visages était fascinant. Il a été dérangeant (comme à l’époque où il clamait haut et fort qu’il avait toujours été homosexuel ). Il était inspirant et surtout, il est l’incarnation même de la liberté et ses personnages en attestent. En parlant de liberté, c’est sûrement sa capacité surhumaine à changer de peau qui l’a rendu aussi unique. Il n’avait pas peur, osait tout et n’importe quoi et se fichait royalement de choquer. Lorsqu’on les écoute, ses albums ne se ressemblent pas et ce que certains voyaient comme une faiblesse s’avère être une force. Pourquoi ? Parce qu’au final, tout le monde aime ne serait-ce qu’une seule de ses chansons. On se souvient que ses fans de la première heure ont crié au scandale à la sortie de Let’s Dance, simplement parce ce titre puise son inspiration dans le funk – Sans parler de sa collaboration avec Nile Rogers. Mais quand on y regarde bien, qu’on l’aime ou pas, qu’on soit ouvert à son univers psychédélique et provocateur ou pas, il y a forcément un titre qui marque. Rien que pour ça, il avait déjà gagné.
Sorti il y a seulement quelques jours, Black Star, son dernier album, nous laisse un goût amer. C’en est presque ironique. L’opus est magnifique mais maintenant, nous savons que c’était un album d’adieux, une façon dire au revoir sereinement. A croire qu’il a tenu jusque là avant de pouvoir se dire que ‘c’est bon’, il peut s’en aller tranquille et nous laisser comme ça, avec seulement sept superbes chansons. Du hauts de mes vingt trois ans et de ma modeste culture musicale, je pense pouvoir être à même de dire que Black Star n’est pas l’album qui me marquera le plus. A bien y réfléchir, je préfère Space Oddity (1969), au risque de sonner ‘cliché’. Déjà, pour des raisons symboliques mais surtout, parce que cet album exprime -comme tous les autres- la leçon la plus importante qu’il nous ait inculquée en 45 ans de carrière : Personne ne pourra jamais vous dire qui vous devez être ni comment vous devez le faire. Le seul à pouvoir en décider, c’est vous. Alors teignez-vous en roux, badigeonnez-vous un éclair géant sur le visage ou travestissez-vous ; on s’en fiche. Faites simplement les choses comme vous l’entendez. Et partez avec classe, comme Bowie l’a fait le 10 janvier dernier. Sans rien regretter.