Il faut qu’on parle de The Tortured Poets Department
Bon, je ne vais rien t’apprendre mais, ces derniers jours, Taylor Swift a littéralement enflammé la capitale avec son Eras Tour. Les 9, 10, 11 et 12 mai dernier, l’artiste américaine a pris ses quartiers à l’U Arena – où elle a livré pas moins de quatre shows spectaculaires devant plus d’une centaine de milliers de personnes. A force, tu connais le concept mais, au cas où, laisse-moi te rappeler ce qu’est l’Eras Tour : avec cette tournée, Swift traverse les époques mais aussi (et surtout), sa carrière. En mars dernier, lors du lancement de ce que sera l’une des tournées les plus lucratives au monde, Taylor Swift y présentait pas moins de 10 albums. Pour sa reprise en Europe, celle qui a battu des records avec Cruel Summer a choisi d’intégrer The Tortured Poets Department (son dernier album, sorti en avril). Pour ça, la setlist a connu quelques remaniements (adieu, Tolerate It Long Live et The Archer…) mais, tu t’en doutes sûrement, ça en valait la peine. Pourquoi ? Parce que, sur scène, Swift a révélé au public parisien avoir travaillé ce tableau pendant neuf mois. Et si tu ne comprends (pas) encore pourquoi TTPD est le meilleur chapitre du show, installe-toi, je t’explique.
« Quand l’amour la détruit, Taylor Swift sait se sauver elle-même »
Avant sa sortie, le monde entier imaginait que TTPD serait un album de rupture – adressé à Joe Alwyn. En même temps, You’re Losing Me avait tout l’air d’être une introduction à ce que serait cet album. Sauf que, non. Certes, Taylor Swift a (longtemps) eu la réputation de n’écrire que des chansons de rupture. Alors, cliché oblige, on a tous pensé (à tort) que, peut-être, cet album serait le plus poignant, le plus destructeur. Je te la fait courte, on attendait une version 2.0 de Red. Pire, nombreux sont les fans qui redoutaient So Long, London qui, avant même sa sortie, le voyaient comme le digne successeur de All Too Well – bon, peut-être que là-dessus, ils n’avaient pas tort. Mais, tu sais quoi ? The Tortured Poets Department n’est PAS un album de rupture, c’est un album d’introspection. Et justement, un critique écrira « Quand l’amour la détruit, Taylor Swift sait se sauver elle-même ». Spoiler, c’est exactement ce que reflète cet album. The Tortured Poets Department n’est pas « juste » une compilation de 31 titres, ce n’est pas simplement un amas de sentiments. TTPD te raconte comment les femmes doivent (toujours) ramasser chaque morceau d’un coeur brisé (souvent en silence). TTPD te fait comprendre chaque étape d’un process qui, souvent, est aussi violent que nécessaire. Et tu sais comment on appelle ça ? The Female Rage – La rage féminine en français. Et cette rage, Swift l’a matérialisée sur scène à travers les six morceaux qui ont étoffé sa setlist déjà bien remplie.
The Female Rage, The Musical
Et justement, Swift n’a franchement pas choisi ces titres au hasard: elle aurait pu choisir la tristesse de So Long, London ou même la douce euphorie de The Alchemy. Swift aurait pu miser sur l’efficacité du morceau éponyme mais, non. Elle commence avec But Daddy I Love Him qui, sans surprise, exprime la détermination féminine. Tu sais, cette façon qu’une femme a de défendre corps et âme son mec face à la terre entière ? Cette façon qu’elle a de lutter contre vent et marée (parfois même pour la mauvaise personne) ? Voilà, c’est de ça dont je te parle. Et, forcément, elle ne s’arrête pas là. Ce que l’on retiendra de ce tableau ? Ce que je vais casually renommer « Le pouvoir des trois » : Who’s Afraid of Little Old Me ? ; The Smallest Man Who Ever Lived et, forcément I Can Do It With a Broken Heart.
On a tous connu Taylor Swift avec ses jolies boucles, des bottes de cowboy et un sourire d’ange. On a tous connu la petite fille sage que l’industrie musicale a cherché à modeler, à conditionner : « Une fille gentille ne donne pas son opinion« , dit-elle d’ailleurs dans Miss Americana. « Une gentille fille sourit, salue et dit ‘merci' ». Pendant longtemps, Swift a été cette gentille fille. Si gentille que, d’ailleurs, nombreux sont ceux qui douteront même de ses bonnes intentions. Puis, il y a eu Kanye West aux VMA’s. Et encore, ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. Mais si tu dois ne retenir qu’une chose, ce sera celle-ci : après avoir été au sommet avec 1989, Taylor Swift a connu le pire : le pire d’internet, le pire de Twitter, le pire des médias. Adulée puis, du jour au lendemain détestée du monde entier, Swift a dû apprendre à remonter : « Tu ne tiendrais pas une heure dans l’asile où j’ai été élevée« , chante t-elle avec toute la rage dont elle capable. Et justement, cet asile, elle le présente en interprétant Fortnight (pour mieux nous rappeler le clip du titre, d’ailleurs).
Entourée d’une fanfare et vêtue de sa plus belle veste militaire, elle enchaîne sur The Smallest Man Who Ever Lived et, très vite, tu comprends que c’est là, à ce moment précis, que ce qu’elle a cru être l’amour aurait probablement fini par la tuer. Et ça, elle l’exprime avec brio dans sa scénographie : un drapeau blanc, un laser rouge et Swift qui s’effondre au sol. Je pourrais rester là, à te raconter comment le champ lexical de la guerre a TOUJOURS été étroitement lié à celui de l’amour mais, je pense que l’image est assez parlante.
Pour clore le tableau, elle choisit I Can Do it With a Broken Heart. Parce que c’est ça, l’histoire de sa vie ; performer quoiqu’il arrive. Performer et divertir parce que, derrière les sequins et les confettis, il y aura toujours des billets verts en jeu, il y aura toujours des attentes et des contrats : « Tu sais que tu es douée quand tu peux le faire avec un coeur brisé », chante t-elle. Et, si tu remontes un peu le temps, tu réaliseras que lorsqu’elle a lancé son Eras Tour -toute de paillettes vêtue- Swift avait le coeur plus éclaté qu’un puzzle. Telle une marionnette, Swift est habillée, puis jetée sur une scène – une façon de nous rappeler que, dans cette industrie, si tu veux tenir, si tu veux gagner, tu dois y aller. Et tu sais ce qui est le pire ? Sa tenue même incarne ça, cette façon dont le divertissement prendra toujours le dessus sur les sentiments : si la tenue te rappelle vaguement l’Era 1989, c’est probablement parce qu’à cette époque là, Swift pensait qu’un show réussi signifiait être affamée et au bord de l’évanouissement. Si sa veste t’évoque la Red Era, tu sais pourquoi ? C’est parce que, surprise, sur cette tournée, l’air était au cirque. Et tu sais ce qu’on fait au Cirque ? On regarde des pantins divertir le public.
Après des chapitres passés à contenter la terre entière (comme n’importe quelle femme, d’ailleurs), Swift a choisi de -pour une fois- s’exprimer. Et tu sais ce qui est le plus beau ? C’est que, comme toujours, elles seront nombreuses à l’imiter. Il est temps, tu ne crois pas ?