Assumons sans réserve que chacun connait Harry Styles. Depuis 2010, le jeune homme a littéralement grandi sous les yeux du monde entier. Lorsqu’à 16 ans, il se pointe aux castings de l’émission anglaise The X Factor, Simon Cowell repère tout de suite le potentiel du garçon et flaire le bon coup en faisant de lui le meneur de son nouveau boysband. Mais après plusieurs années au sein de l’industrie musicale, le petit Harry est devenu grand. Et depuis l’annonce du hiatus de One Direction, celui sur lequel se concentrent toutes les attentes, c’est lui. Le chanteur fait parler depuis de nombreuses années, aussi bien pour ses prouesses au micro que ses tenues décalées et sa personnalité très affirmée. Il peut en plus se vanter d’un carnet d’adresses particulièrement bien rempli et, loin de toute cette tempête médiatique, a su s’entourer des grands noms de l’industrie pour peaufiner son nouveau projet en solitaire. Harry Styles publie aujourd’hui son premier album et si tout le monde connait déjà son nom, il expérimente pour la première fois le fait d’être complètement seul sur le devant de la scène. C’est sous le soleil de la Jamaïque qu’il s’est envolé en automne dernier afin d’enregistrer une grande partie de ses nouvelles chansons sur les conseils avisés du producteur Jeff Bhasker (Bruno Mars, Lana del Rey, les Rolling Stones…). Côté mixage, le chanteur a fait appel à Mark Stent, heureux vainqueur de plusieurs Grammy Awards pour son travail sur les albums de Muse, Beyoncé et Madonna. Disons que déjà, les choses se présentaient plutôt pas mal. Mais alors quoi à ressemble t-il, ce premier album solo de Harry Styles ?
Aucun nom, l’album est éponyme. Sur l’artwork, Harry Styles apparait de dos, presque totalement immergé dans une eau rose. Un choix qu’il ne souhaite pas expliquer, mais qu’il justifie dans Rolling Stone en citant Paul Simonon, le bassiste de The Clash : « Le rose est la seule vraie couleur du rock’n’roll ». Parce qu’effectivement, son inspiration, il est allé la chercher dans les racines du rock anglais. De la britpop des Beatles aux mélodies grandiloquentes de David Bowie, Harry Styles rend un hommage marqué aux icônes de la scène britannique. L’album démarre en douceur avec « Meet Me In The Hallway », mélancolique et introspectif. Dès la première écoute, c’est d’abord la puissance de sa voix qui saute aux oreilles. Ses prouesses vocales sont particulièrement bluffantes sur « Sign of the Times », une ballade envoûtante de plus de cinq minutes. Empruntant à Bowie certaines variations rythmiques, le titre s’inscrit dans la tradition rock british et surprend par sa progression brillamment exécutée. Ce premier single dévoilé en avril a reçu d’excellentes critiques et permis à Harry Styles d’interpeler au-delà de ses fidèles Directioners. Le très beau clip réalisé par Woodkid est d’ailleurs à l’image de son univers : imaginatif, poétique et décalé. Avec une nonchalance non feinte, il mêle élégance anglaise et bon vieux rock vintage sur « Carolina » puis exploite toutes les nuances de sa voix sur la jolie « Two Ghosts ». « Sweet Creature », ballade folk des plus classiques, rappelle inévitablement le son des Beatles.
Vient ensuite la partie la plus intéressante de l’album. L’intro mystique de « Only Angel » est rapidement contrastée par un riff de guitare percutant. Là encore, Harry Styles suit la trace de ses illustres ainés et l’influence des Rolling Stones est flagrante, tant dans la construction du morceau que dans sa façon de chanter. Les guitares électriques vibrent toujours plus fort sur « Kiwi », incontestablement l’une des perles de l’album, musicalement parlant du moins. Styles y dévoile une puissance vocale impressionnante et, complétement habité, affiche une identité musicale qui contraste royalement avec la pop surproduite de One Direction. Comme le calme après la tempête, « Ever Since New York » vient ralentir le tempo. Sur cette ballade folk tout en délicatesse, Harry Styles semble à fleur de peau. A l’inverse, sa voix suave traîne délicieusement aux rythmes des cordes lascives de « Women ». Aussi à l’aise sur les mélodies langoureuses que sur les compositions rythmées, l’artiste de 23 ans prend une direction musicale assumée qui révèle enfin sa vraie personnalité. Le disque se referme de la même manière qu’il a commencé avec « From The Dining Table », déclaration intime à un amour perdu sur laquelle le protagoniste se montre à nouveau très vulnérable. « Why won’t you ever say what you want to say ? Even my phone misses your call by the way » conclut-il désespéré, accompagné d’une simple guitare acoustique.
Du début à la fin, l’investissement et la passion du chanteur sont palpables. Harry Styles livre un premier album impressionnant, fort d’une palette de performances vocales admirables. Sur ces dix titres beaucoup plus introspectifs, il cherche maintenant à faire oublier son image de chanteur fleur bleue derrière celle d’un artiste romantique et torturé. L’album se compose de chansons d’amour évidentes mais bien construites et de vraies bonnes surprises. Loin d’être d’une profondeur exceptionnelle, les paroles sont dans l’ensemble plutôt bien écrites et évoquent surtout la solitude, la construction identitaire et le vide laissé par une rupture amoureuse. Certes, Harry Styles n’invente rien et cet album ne révolutionnera pas le genre tant il puise de manière évidente dans ses influences. Mais le jeune homme prouve qu’il a des choses à dire et pour cela, a la chance de pouvoir compter à la fois sur l’oreille attentive de la jeune génération et sur l’approbation de stars du rock telles Mick Jagger et Paul McCartney. Les fans de One Direction sont déjà conquis et les autres pourront, tout au moins, être agréablement surpris. Le pari délicat du premier album est clairement gagné et on attend impatiemment la suite de cette aventure en solo. La bonne nouvelle, c’est que Harry Styles sera en concert à L’Olympia le 25 octobre. La mauvaise, c’est que bien sûr, c’est déjà complet.
Nos coups de coeur
- Sign Of The Times
- Kiwi
- Ever Since New York
- Only Angel