Quatre albums en vingt ans d’existence. Voilà certainement le plus gros point commun entre Justice et leurs mentors, les Daft Punk. Un fait troublant qu’on regarde d’un autre oeil en écoutant Hyperdrama, le dernier né, et dont l’annonce en janvier excite non seulement la France, mais aussi la planète entière. Une info exagérée ? Pas vraiment. Avec l’autre duo de robots casqués, le projet de Gaspard Augé et Xavier de Rosnay est devenu au fil des années le symbole de l’électronique française à l’étranger. Mais vingt ans après les débuts, et surtout après l’un des meilleurs disques live des années 2010 (Woman Worldwide, 2018), les deux en avaient-ils encore suffisamment sous la pédale pour se renouveler ?
Taillé pour l’international
La sortie d’un premier single avec Kevin Parker (Tame Impala) était déjà un signal clair : en dépit de ses kilomètres au compteur, Justice souhaitait résolument conquérir avec Hyperdrama le marché américain. Le fait que le duo se soit offert les services de Parker sur deux titres est à ce titre un bon indice, puisqu’on retrouve aussi ce dernier à la production sur le prochain disque de Dua Lipa. Changer de catégorie en évitant de se répéter, tel était donc l’objectif du duo avec ce quatrième album. Et spoiler alert : la mission est réussie au-delà des espérances. Comble du comble : c’est le second featuring avec Parker (Neverender) qui surpasse le single One night / All Night.
Un disque spatiale
Sans tomber dans l’envie de grosses productions comme les Daft avec Random Access Memories, Justice réussit à produire un disque à la fois profond et dansant, pointu et mainstream. Le recrutement, par exemple, de Connan Mockasin, sur le titre Explorer, donne le ton. On y retrouve toute la patte Justice et son amour des mélodies de club, mais en ayant l’impression d’écouter un inédit du Thriller de Mickael Jackson. Même impression sur le titre d’ouverture Neverender. Autre point commun avec les Daft : une passion pour le King of Pop, mais traitée ici différemment, et sans les musiciens de studio de Thriller. D’une certaine façon, Hyperdrama en est la version clubbing électronique produite par deux Français qui refusent de dormir en dépit du fait qu’ils soient entrés dans la quarantaine.
Le fait que le duo soit graphiquement obsédé par l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick est un autre point important de l’album. Il suffit d’écouter Harpy dream pour s’en rendre compte (ou accessoirement revisionner le film du duo, Iris), et tout simplement d’écouter le lent glissement de l’album entre parties d’hardcore électronique (Generator), funk du cosmos (Dear Alan) et final grandiose (The End avec Thundercat) pour comprendre que ce quatrième album est loin de signer la fin du projet débuté en 2003 par ces anciens graphistes. Disque de renouveau à la fois populaire et curieux, Hyperdrama porte finalement hyper mal son nom tant il fédèrera tous les publics. De quoi, plutôt que de parler de justice, évoquer une belle justesse pour cet infatigable duo d’humains luttant contre la musique robotique.