Écrit par Robin Ecoeur - Publié le 19 Juin 2024 à 09:24

Écrite en réponse à l'attentat à la bombe de Warrington en Angleterre en 1993, la chanson s’est progressivement imposée comme un hymne contre la guerre.

Le 30 janvier 1972, dans le quartier de Bogside à Derry, en Irlande du Nord. L’armée britannique ouvre le feu sur une manifestation catholique. Plus de dix mille personnes sont venues protester et 14 sont tuées. L’événement tragique inspire à U2, 11 ans plus tard, une chanson qui deviendra culte : Sunday Bloody Sunday.

En mars 1993, un autre attentat, cette fois-ci perpétré sur les terres anglaises par l’IRA (l’Armée républicaine irlandaise), et tuant deux jeunes garçons dans un centre-commercial de Warrington dans le Nord de l’Angleterre, va à nouveau motiver un groupe de rock à prendre la plume : les Cranberries. Sa chanteuse, Dolores O’Riordan, écrit alors Zombie pour dénoncer la violence d’un conflit qui s’éternise, et la douleur quand des innocents, et surtout des enfants, deviennent des victimes collatérales.

La plume dans les plaies

« With their tanks and their bombs and their bombs and their guns, in your head, in your head they are crying » ; « Another mother’s breaking heart is taking over » : Dolores O’Riordan n’a aucune d’enjoliver la situation pour aborder ce thème. Elle veut raconter la douleur, la peine, le chaos, les violences et la réalité du conflit.

Elle écrit la chanson seule à Limerick, entre deux tournées, en cherchant à retranscrire une forme d’agressivité en opposition à l’IRA. Et quand elle chante les paroles « But you see, it’s not me, it’s not my family », c’est justement pour marquer son désaccord avec l’armée républicaine irlandaise. Avec le reste du groupe, la ballade acoustique devient un hymne grunge et gagne en épaisseur. Pour le guitariste Noel Hogan, il fallait que les sonorités reflètent le thème de la chanson.

Sauf qu’il se passe du temps entre le moment des attentats en mars 1993 et la sortie de la chanson, en septembre 1994. Entre temps, l’IRA signe un cessez-le-feu et la guerre civile fait une pause. Alors quand Zombie débarque enfin sur les ondes, les critiques fusent. On accuse le groupe, et surtout Dolores O’Riordan, de remettre de l’huile sur le feu en période de trêve. La jeune femme est ultra médiatisée, fait des déclarations à rebours de l’époque (elle dit être pour la peine de mort et contre l’avortement) mais maintient ses positions politiques.

« Une chanson humaine »

Même si le timing n’est pas idéal, le morceau des Cranberries fait le tour de la planète. Un peu partout dans le monde, la chanson se hisse en première place des classements et l’album No Need to Argue est un succès commercial. Avec le temps, Zombie deviendra un hymne contre la guerre, et contre les victimes innocentes des conflits.

À plusieurs reprises, Dolores O’Riordan dédiera même sa chanson aux victimes de guerre durant les années 90, en Bosnie-Herzégovine ou encore au Rwanda. Au journal NME en 1994, l’Irlandaise avait déclaré : « Cette chanson ne nomme pas de groupes ou d’organisations terroristes. Elle ne prend pas parti. C’est une chanson très humaine. » Et elle résonne encore tristement 30 ans plus tard, alors que la chanteuse du groupe est morte prématurément en 2018 en se noyant dans sa salle de bain. Elle n’avait que 46 ans.