NORD : « La poésie a été ma porte d’entrée dans l’écriture et la musique » (Interview)

NORD publiera son premier album à la rentrée prochaine. Pour europe2.fr, le chanteur s’est confié sur son parcours, son univers et ses projets. Interview !

Il est très certainement l’un des artistes français à suivre en 2017. Après plusieurs années à écumer en groupe les scènes de Normandie, NORD – de son vrai nom Xavier Feugray – est maintenant bien décidé à faire son chemin en solo. Le chanteur originaire de Dieppe est déjà l’auteur d’un EP nommé « L’amour s’en va » et prépare actuellement la sortie de son tout premier album « Grand Turn Over ». Oscillant entre pop-folk et électro, le premier single « Elle Voudrait » a permis au nouveau visage de la scène française de dévoiler un univers musical à la fois poétique et captivant. En attendant la sortie de l’album, prévue pour la rentrée, europe2.fr est allé à la rencontre de NORD afin de faire plus ample connaissance avec cet artiste singulier.

europe2.fr : Salut NORD ! Toi qui as fait partie de plusieurs groupes au début de ta carrière, quel a été le déclic qui t’a conduit à entreprendre ton projet solo ?

NORD : Il y a eu plusieurs choses mais c’est surtout qu’on commençait tous à s’épuiser un peu et à vouloir des choses différentes. Tu vieillis, tu as envie d’autre chose. Je me suis dit que j’avais envie de continuer la musique, de composer des chansons, et j’ai commencé comme ça en solo. Au départ, j’ai commencé à faire des chansons tout seul avec mon ordinateur alors que j’avais toujours travaillé avec des groupes. Donc c’était vraiment un autre cap. C’était refaire quasiment tout, repartir de zéro, imaginer d’autres moyens de faire de la musique tout seul. C’est une expérience carrément différente parce que j’étais le seul maitre à bord, juste avec mon Mac, ma guitare et mon sampler. Du coup, ça a un peu changé d’univers et ça m’a plu de trouver une autre direction. C’est de là qu’est né NORD finalement.

europe2.fr : Comment faut-il comprendre « Grand Turn Over », le titre de ton album ?

NORD : « Grand Turn Over » ça évoque pour moi un moment de ta vie où tu subis, tu te rends compte que tu changes et tu n’as pas les mêmes sentiments, pas les mêmes émotions. L’album raconte comment tu jongles avec tout ça, quand c’est toi le seul maitre à bord, le chef d’entreprise de ta petite carcasse. Tu essayes de gérer ce grand turn over qui se passe entre les moments où ça va bien et les moments où ça va mal. Il y a toutes tes émotions qui se télescopent et puis qui finalement, te font changer. Ou pas d’ailleurs. C’est un peu ce que racontent mes chansons, ce changement perpétuel d’état, ces sentiments et ces émotions pris un peu sur le vif.

europe2.fr : La sortie est prévue à la rentrée. Est-ce que tu peux m’en parler un peu ?

NORD : Oui il sortira à la rentrée 2017, mais je n’ai pas encore de date définitive. Au niveau du style, on a sorti « Elle Voudrait » dans la veine plutôt électro pop, et l’album découle un peu de tout ça. Il y a toujours cette ambiance que j’ai créée avec le premier EP, à la fois un peu intimiste et un peu sombre, mais il y a toujours par-dessus tout un petit peu de lumière. Je n’ai pas envie de plomber l’ambiance non plus ! Parce qu’en ce moment, il y a déjà bien suffisamment de choses pour plomber l’ambiance. J’essaye de balancer entre des moments où ça ne va pas très bien et des moments plus joyeux. On a sélectionné toutes les chansons, il nous reste encore quelques voix à ajouter ou des choses à parfaire, mais ce ne sont plus que des détails.

europe2.fr : En terme de composition, tu as pour habitude de travailler seul ou à plusieurs ?

NORD : J’aime bien faire les bases chez moi tout seul. J’écris le maximum de choses ou alors parfois c’est juste un guitare-chant, ça dépend. Ensuite, j’arrange avec Thierry Minot, qui est à la fois mon comparse sur scène et le producteur de l’album. C’est lui qui arrange certains titres et il me donne des idées aussi. Il a une culture très électro, que moi je n’ai pas spécialement. En fait, on est assez complémentaires, et c’est super de trouver cette alchimie. Par exemple pour certains titres, je lui ai donné un guitare-chant et lui a carrément transformé le truc, on est repartis dans une autre direction. Il y a deux titres comme ça qui n’avaient vraiment pas la même tête avant, et lui en a fait un truc top !

europe2.fr : Quelles sont tes influences majeures quand tu composes ?

NORD : Ce qui m’a donné envie de faire de la musique au début, c’est Nirvana, quand j’étais au collège. Avant ça je n’avais pas fait de musique, je suis issu d’une famille où il y avait très peu de musique et c’est ma sœur qui me faisait écouter des choses. J’ai commencé à écouter les Beatles, Brassens, The Doors… Quand j’ai entendu Nirvana, ça a été un peu une révélation. Ça m’a donné envie de jouer de la guitare, d’écrire des chansons… Et très vite, j’ai commencé à composer mes premières chansons. Ce côté très spontané, cette manière de livrer quelque chose d’imparfait, mais qui sort du cœur d’un seul coup, ça m’a beaucoup inspiré.

europe2.fr : Tu écris tous tes titres en français. D’où te vient cet amour pour les mots ?

NORD : J’ai toujours aimé lire de la poésie. J’ai commencé très tôt dès le collège à lire les textes d’Aragon ou Victor Hugo. Ça me plaisait même si parfois le sens m’échappait. Je me disais qu’il y avait certainement un sens à aller trouver quelque part, et j’ai toujours envie de ça, d’aller trouver un sens. La poésie a été ma porte d’entrée dans l’écriture et la musique aussi. D’où mon envie de m’exprimer en français.

europe2.fr : Est-ce que tu pourrais écrire pour d’autres artistes-interprètes ?

NORD : Ah oui j’aimerais bien ! Mais pour l’instant, j’essaye de le faire le mieux possible pour moi. Si un jour on me demande, ce serait avec plaisir.

europe2.fr : J’ai lu que tu avais fait les Beaux-Arts. Est-ce que ça a influencé ta manière de percevoir l’art en général ?

NORD : Ce qui est bien avec les Beaux-Arts, c’est que ça t’ouvre beaucoup d’horizons. Tu découvres pleins de choses, j’ai découvert beaucoup d’artistes pendant mes années là-bas. Et puis ça explose tous tes codes aussi. C’est un peu perturbant mais c’est très enrichissant. On te propose de créer ton projet, ton univers personnel, et moi je l’ai trouvé dans la musique en faisant des chansons. Mais du coup, j’étais un peu décalé par rapport aux Beaux-Arts et c’est pour ça que j’ai arrêté. J’avais envie de faire des chansons et je me disais que je ne pourrai pas le faire là. L’écriture me prenait beaucoup de temps, je ne faisais plus beaucoup d’image.

europe2.fr : Qu’est ce qui te nourrit dans la culture d’aujourd’hui ?

NORD : J’aime bien Thomas Hirschhorn, un artiste suisse qui propose des installations super, sur la société de consommation notamment. En musique, j’essaye d’écouter pas mal de choses mais je reviens toujours aux mêmes. Je suis un grand fan de Leonard Cohen et par exemple son dernier album m’a beaucoup touché parce que c’est un testament. Je pense que quand tu es artiste et que tu en arrives là, tu ne peux plus te cacher ou tricher. Lui, je pense qu’il a toujours été comme ça, très honnête. Ce sont les derniers mots de l’artiste et ça m’a énormément touché. Ça a été une émotion intense, à la fois d’apprendre son décès, et juste après d’écouter son album. Tu réalises qu’il avait tout prévu, de la même manière que David Bowie.

europe2.fr : Ton univers est très visuel, tes clips toujours très esthétiques. Que penses-tu de la société d’aujourd’hui où l’image a énormément d’importance ?

NORD : C’est le système de pensée actuel oui, il faut que tout soit accompagné d’images pour être compréhensible. Alors que c’est faux. Avec le développement de la promotion, des réseaux sociaux, on a tout le temps besoin d’images et tout le temps besoin de consommer aussi. Je ne sais pas trop quoi penser de ça pour être honnête, je ne sais pas si c’est bien. Un livre sans image parfois, c’est plus percutant. Peut-être qu’on ne réalise plus assez l’importance des mots.

europe2.fr : On écoute même de la musique sur Youtube maintenant, alors que le son est mauvais…

NORD : Exactement. Et ça engendre une refonte totale de la musique, puisqu’aujourd’hui qui dit chanson dit forcément clip. Je ne veux pas faire de grandes prévisions bien sûr, mais je pense aussi que ça reviendra, qu’au bout d’un moment il va y avoir un contre-balancement. Il y a toujours eu des grands mouvements et des contre-mouvements ensuite.

europe2.fr : Toi qui a récemment signé avec un label important et commence à te faire connaitre beaucoup plus largement, comment appréhendes-tu l’industrie de la musique d’aujourd’hui ?

NORD : C’est une bonne question, parce que je ne sais pas trop. Je viens tout juste de signer avec Columbia, alors je découvre et j’apprends comment ça marche. Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais trop projeté aussi loin et maintenant j’en ai vraiment envie. Donc j’apprends au fur et à mesure, je regarde comment ça fonctionne…

europe2.fr : Il y a eu une super campagne pour la sortie de « Elle Voudrait » dans les rues de Paris, d’ailleurs !

NORD : Oui c’était une chouette idée ! On ne me connaissait pas, alors on a réfléchi à une façon de présenter la chanson, juste avec des mots. Ça me faisait plaisir d’avoir ce message un peu énigmatique et les réactions sur les réseaux sociaux ont été vraiment top.

europe2.fr : Tes prestations live ont de très bons retours. Quel est ton rapport à la scène ?

NORD : J’ai toujours fait de la scène, j’ai même commencé par ça parce qu’au départ je n’enregistrais pas trop. Maintenant on peut enregistrer des chansons tout seul mais quand j’ai commencé, on a fait des concerts avant de pouvoir enregistrer. J’aime beaucoup être sur scène parce que c’est un moment où tu suspends un peu le temps. Tu ne regardes plus ta montre, tu ne fais plus gaffe à cette notion de temps. C’est un moment où tu peux stopper l’instant, faire des chansons et les donner avec un maximum d’émotions. J’aime bien ce genre de trucs sans filet où tout peut arriver, le bien comme le moins bien. Il y a des soirs où ça se passe moins bien que d’autres et il faut faire avec. C’est difficile de sortir de scène en te disant « là j’ai pas été bon ». Et puis parfois tu finis le concert en te disant « là je crois qu’on a vécu un truc hors du commun ». C’est ça qui est intéressant dans le live. Ces moments de lâcher-prise, à la fois de toi et du public. J’ai toujours envie de donner le maximum.

europe2.fr : Tu es annoncé comme l’un des artistes à suivre cette année. Est-ce que ça met une certaine pression ?

NORD : Oui bien sûr, mais pour l’instant je ne le vois pas comme ça. Je suis toujours plein de doutes mais j’essaye de m’en détacher. Je suis très content qu’on s’intéresse à ce que je vais faire et j’ai vraiment hâte que l’album sorte. J’ai envie d’être à la rentrée, de voir comment les gens vont percevoir mes chansons. Ça fait quand même quelques années que je travaille dessus pour certaines. Donc je me demande comment une chanson que j’ai composée il y a quatre ans va être perçue aujourd’hui par le public. C’est plutôt de l’attente, de l’impatience.

europe2.fr : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

NORD : Je dirais, que mes chansons arrivent le plus loin possible. Que les gens se les approprient et qu’ils les gardent avec eux, au moins un petit peu. Qu’elles atteignent un maximum de gens et que j’ai des retours sur ce que ça provoque aussi. J’espère qu’elles provoqueront des émotions. Et puis aussi bien sûr, de faire des concerts ! J’aimerais bien faire une belle tournée.

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