Où étiez-vous le 19 juin 2009 ? Les fans de Gossip, eux, s’en souviennent : c’était le jour de la sortie de Music For Men, et personne ne semblait préparé pour ce qui allait suivre. L’album sorti un peu de nulle part, quoi que produit par le légendaire Rick Rubin, allait tout bousculer sur son passage. Et pour ça, il y aurait un single absolument imparable : Heavy Cross, un titre à l’énergie disco-punk à cheval entre Abba et Motörhead.
Résultat : presque 300 000 albums vendus rien qu’en France, et du Gossip partout, des défilés de mode aux publicités. Ce qu’on ne savait pas à l’époque, c’est que ce succès mondial inattendu allait temporairement tuer le groupe.
Perdu de vue
Certainement un peu dépassés par le succès de Music For Men qui déjà luttait pour les droits LGBTQ+, les trois Américains derrière Gossip reviendront trois ans plus tard avec un nouvel album (A joyful noise) incapable de réitérer l’exploit du précédent. Après ça ? Silence radio(phonique). Le groupe appuie sur la touche silence, au point qu’on croit à la mort de Gossip. Une dispute entre la chanteuse et le guitariste Nathan Howdeshell serait à l’origine de la pause de Gossip. Et la sortie en 2017 d’un disque solo pour Ditto ne fait que remettre de l’huile sur le feu. De la part d’un groupe formé en 1999 par trois amis colocataires du même appartement, l’histoire aurait déjà été belle.
Le come-back que personne n’a vu venir
Quinze après Music for men, Gossip revient finalement dans l’actualité avec un sixième album et oui, c’est un événement. Déjà parce que le trio at décidé de remettre le couvert avec Rick Rubin à la production (à qui l’on doit notamment certains des meilleurs disques des Red Hot et des Strokes), mais aussi parce que l’Amérique n’a peut-être jamais eu autant besoin d’un groupe comme ça.
Toujours à la pointe pour la défense des minorités, et alors même que Donald Trump pourrait revenir au pouvoir en novembre prochain, Gossip prouve avec Real Power qu’il n’a rien perdu ni de son humour, ni son énergie. La preuve avec le premier single.
A 43 ans, Beth Ditto ne semble donc toujours pas calmée, et la réunion avec ses deux copains ne sonne pas comme une retrouvaille forcée. Certes, aucun des titres de Real Power n’est aussi fort que Heavy Cross, mais l’ensemble de l’album enregistré à Hawaï donne une impression de sérénité absolue pour un groupe n’ayant plus rien à prouver. C’est notamment le cas sur Crazy Again ou Turn the card slowly, qui donne presque l’impression d’avoir été écrit par The XX. Un comble, quand on connaît le passé très turbulent du trio punk.
Certainement pas commercialisé par cupidité, ce sixième album débuté avant le Covid-19 aura finalement pris cinq ans pour être accouché. Il est remarquable pour son minimalisme et sonne finalement plus disco-gospel que vraiment punk. Alors oui, Gossip a vieilli. Oui, Real Power est un « disque de la maturité ». Mais ces douze ans d’absence – une éternité – semblent avoir fait du bien à ce groupe qu’on ne pensait pas revoir avant qu’ils ne collectionnent les cheveux blancs.