On y était. Parce qu’ils font partie de ces groupes incontournables de l’histoire de la musique, un concert des Rolling Stones est toujours un événement. On se doit d’y être. On se doit d’avoir vu ça au moins une fois dans sa vie. Afin de défendre son dernier album Blue & Lonesome, compilation de douze standards de blues, le groupe britannique s’est lancé cette année dans une tournée de 15 dates européennes, le Stones No Filter. L’occasion rêvée pour revoir ceux que les mauvaises langues ont régulièrement enterrés mais qui pourtant, ont survécu à toutes les tempêtes. Pour clôturer en beauté ce tour d’Europe, les Stones ont donc posé leurs valises à Paris pour une semaine et trois concerts sold out à la U Arena de Nanterre. Flambant neuve, la toute nouvelle arène de l’Ouest parisien a ouvert ses portes en début de soirée pour laisser entrer une foule massive, prête à en découdre avec l’un des plus grands groupes du monde. A l’intérieur, on note encore une vague odeur de plâtre et on découvre l’immense scène bardée de quatre écrans géants. Et puis surtout, on remarque l’éclectisme du public. Des ados accompagnés ou non de leurs parents, des sexagénaires un peu dégarnis, des jeunes couples et beaucoup de familles… Tout le monde arbore fièrement son t-shirt marqué de la fameuse bouche rouge. L’incroyable diversité générationnelle du public suffit pour mesurer le statut qu’ont réussi à atteindre les Stones en 55 ans de carrière. A jamais intégrés dans le patrimoine culturel, Mick Jagger et sa bande sont des mythes, des légendes du rock. La soirée s’annonce mémorable…
Après une première partie assurée par les excellents Cage The Elephant, l’excitation monte d’un cran. En fosse, la foule s’agglutine en une masse compacte, impatiente d’assister à cette grande messe rock’n roll. Un rock connecté à ses racines blues bien sûr, puisque c’est tout l’objet du dernier album. « Ladies and Gentleman, please welcome… The Rolling Stones ! » Le public hurle. Les quatre survivors font leur entrée sur les notes de « Jumpin’ Jack Flash ». Il est vrai qu’en voyant Mick Jagger se déhancher dès les premières notes de guitare, on se demande s’il n’a pas un jour réellement pactisé avec le Diable en échange d’une jeunesse éternelle. Véritable icône rock des 60s, il demeure aujourd’hui encore à la hauteur de son statut de légende : captivant, magnétique, impressionnant de charisme et de classe. Constamment hilare et la clope au bec, Keith Richards porte une chemise imprimée de flamants roses et un bandana qui lui donnent l’allure d’un vieux pirate. Six musiciens (dont les fidèles Darryl Jones à la basse, Bernard Fowler aux percussions et Chuck Leavell aux claviers) ainsi qu’une remarquable choriste les accompagnent. Depuis les gradins, on se rend vite compte que le son a tendance à ricocher sur les murs. Mais qu’importe, les quatre acolytes enchainent avec « It’s Only Rock’n Roll (But I Like It) » repris en cœur par la foule, et l’ambiance est telle que les échos quelque peu désagréables sont vite oubliés.
[contentvideo order=’1′]
S’ils aiment le rock’n roll, les Stones sont aussi des passionnés de blues américain. Ils enchainent avec « Tumbling Dice » puis deux morceaux de Blue & Lonesome, album exclusivement composé de reprises : « Hate to See You Go » de Little Water et « Ride’Em On Down » de Jimmy Reed offrent de très jolis moments de frissons. La machine chauffe progressivement et le public chante timidement. « Ça va Paname ? Prêts à s’enjailler ? », lance Mick Jagger dans un français presque impeccable. Du haut de ses 74 ans, le chanteur n’a rien perdu de sa superbe. Sa voix délicieusement éraillée est en place et son incroyable maitrise de l’harmonica nous tirerait presque les larmes. Et ce n’est que le début des surprises : ce soir, le public aura la chance d’entendre la terriblement efficace « Dancing With Mr. D » (rarement jouée en live), suivie d’une splendide version d’« Angie », choisie par les fans via un système de votes. L’enchainement de « You Can’t Always Get What You Want » et « Paint It Black » met tout le monde d’accord et finit par réveiller l’ensemble de l’auditoire. Si la scénographie est on ne peut plus sobre, les quatre compères occupent à eux seuls toute l’attention. Fidèle à lui-même, Charlie Watts donne le rythme en affichant un visage impassible derrière sa batterie tandis que Ronnie Wood et Keith Richards chahutent comme des gosses. Ce dernier ne boude pas son plaisir lorsqu’il s’avance sur scène avec désinvolture pour chanter « Happy » et « Slipping Away » de sa voix merveilleusement usée.
Pour la seconde partie du set, les Rolling Stones dégainent leurs plus grands tubes. « Miss You », « Start Me Up » ou encore « Brown Sugar » sont des classiques, de véritables hymnes planétaires. Et que dire de cette version endiablée de « Sympathy For The Devil » ? Toutes générations confondues, les 40 000 spectateurs s’époumonent sur ces titres cultes pendant que Mick Jagger joue avec la foule, se déchaine pour mener la danse sans jamais trahir le moindre signe de fatigue. Dans l’euphorie la plus totale, le groupe tire sa révérence une première fois avant de revenir pour interpréter l’emblématique « Gimme Shelter », l’un des points d’orgue de la soirée. La bien nommée « Satisfaction » vient inscrire le point final d’un show de plus de deux heures (prenez-en de la graine les jeunes artistes !). Les quatre complices reviennent saluer bras dessus bras dessous avant de conclure la soirée par un feu d’artifice. Au revoir ou adieu, on ne le sait pas vraiment, mais à les voir encore dans une telle forme olympique, on ne voit pas vraiment ce qui pourrait les arrêter… S’ils n’ont plus vraiment l’âge du « Sex, Drugs », les Rolling Stones nous ont encore prouvé qu’ils restaient les dignes représentants du Rock’n roll. Et qu’après toutes ces années, le plaisir est resté intact, pour eux comme pour nous. Les décennies sont passées mais les Stones demeurent un extraordinaire groupe live, capable de retourner sans effort les plus grandes salles du monde. Preuve que si les temps changent, les légendes elles, restent éternelles.
SETLIST
- 1. Jumpin’ Jack Flash
- 2. It’s Only Rock ‘n’ Roll (But I Like It)
- 3. Tumbling Dice
- 4. Hate to See You Go (Little Walter cover)
- 5. Ride ‘Em on Down (Jimmy Reed cover)
- 6. Dancing With Mr. D
- 7. Angie
- 8. You Can’t Always Get What You Want
- 9. Paint It Black
- 10. Honky Tonk Women
- 11. Happy
- 12. Slipping Away
- 13. Miss You
- 14. Midnight Rambler
- 15. Street Fighting Man
- 16. Start Me Up
- 17. Sympathy for the Devil
- 18. Brown Sugar
Rappel
- 19. Gimme Shelter
- 20. (I Can’t Get No) Satisfaction