« Ca s’appellera The Eras Tour. On se voit là-bas »
Dear reader, j’aimerais te dire que je ne sais rien de Taylor Swift et que tout ce qui suivra sera d’une objectivité sans faille mais, malheureusement, ça ne sera pas le cas. J’aurais aimé te dire que je ne connais qu’un morceau, entendu une fois, comme ça, à la radio. Sauf que, là encore, ce serait un mensonge. En fait, Tay Swift et moi, c’est une longue histoire. En 15 ans, Taylor Swift a signé la bande-originale de millions de millennials à la vie chaotique et, tu t’en doutes, j’en fais partie. J’étais l’ado qui jugeait les Cheer Captains dans ma tenue de Bleachers, je suis celle qui a hurlé All Too Well bien trop fort pour oublier des ex qui, finalement, n’étaient pas si marquants. J’étais front row avec du popcorn quand il a fallu célébrer la sortie de Reputation et le retour de celle qui, pendant un an, n’avait pensé qu’au karma. Bref, je ne te fais pas un dessin, comme beaucoup, l’Eras Tour n’était pour moi pas qu’un concert (de trois heures), c’était une expérience – le genre qui ne se manque pas. Voilà comment un vendredi 13, à 21h, après avoir expérimenté toute la malchance possible, je me suis retrouvée au Grand Rex avec un sceau de pop corn plus gros que mon courage et entourée de dizaines de fans. Comme dirait Taylor, « Welcome to the Eras Tour ».
Well. Baby, Let the games begin
Si tu n’as jamais vu la bête de scène qu’est Taylor Swift, alors je te conseille de prendre tes places pour mieux comprendre le phénomène. Swift est celle qui, après le Reputation Stadium Tour, s’est retrouvée avec cinq albums à défendre. Swift est celle qui s’est dit « F*ck it, je vais prendre mes 10 albums, créer une setlist de 45 chansons et un show de 3 heures ». Swift est celle qui a préparé cette tournée comme un athlète s’entraînerait pour les Jeux Olympiques. Et tu veux que je te dise ? Ca a payé. En ressort un live à l’esthétique parfaite, à la scénographie millimétrée et à la setlist parfaitement équilibrée. Côté morceaux, la version ciné s’est séparée de quelques classiques (The Archer, Cardigan, Long Live) mais, je vais être honnête, le bridge de Cruel Summer, la chorée de Vigilante Shit ou la transition parfaite entre Don’t Blame Me et Look What You Made Me Do comblent le manque.
Alors évidemment, si tu as l’habitude de scroller sur Tik Tok ,tu connais le show. En fait, tu dois le connais par coeur. Mais, laisse-moi te dire qu’on l’apprécie mieux sur grand écran. Et tu sais pourquoi ? Parce que les fans, cette armée colorée paillettée et bien trop investie que forment les Swifties rendent l’expérience aussi folle que la performance de celle qu’ils appellent fièrement « Mother ». Les fans, dévoués, tiennent aux traditions et hurlent « 1,2,3, let’s go bitch » sur Delicate, ils se lèvent et hurlent comme si Taylor allait sortir de l’écran – un écran que, d’ailleurs, je n’aurais jamais pensé applaudir. Et pourtant. Et encore, je ne te parle même pas de l’expérience Ô combien cathartique que fut All Too Well : « Si vous avez dix minutes à perdre, il y a une chanson de Red que j’aimerais vous jouer », lâche Taylor avec toute la candeur qu’on lui connait. J’en ai lâché mon pop corn, prête à hurler le « Fuck the Patriarchy » qui me démange depuis des années. Et, of course, c’était libérateur. Swift explore ce qu’elle appelle ses « Eras » avec une aisance presque déconcertante, elle t’emmène d’un album à l’autre sans jamais flancher. Vraiment, jamais – est-elle seulement humaine ? Alors que nous, pauvres mortels, crachons nos poumons après 15 pauvres minutes de footing, Taylor Alison Swift enchaîne 40 titres en te faisant croire que le défi est simple.
Alors je resterais bien là à te raconter comment les fans ont transformé la salle de ciné en un karaoké géant -ma voix est restée sous un siège d’ailleurs. Si tu la trouves, n’hésite pas à me la rapporter. Je t’expliquerais bien que chaque détail de ce live a été pensé avec une minutie que je lui envierai presque mais, le mieux reste de te prouver l’ampleur du phénomène avec des chiffres – tu sais, le genre de données irréfutables.
Prend des notes : l ‘Eras Tour pourrait générer jusqu’à 4,6 milliards de dollars. Le ciné-concert, lui, plafonne à 100 millions de dollars et, petit bonus, des films tels que l’Exorciste ont carrément choisi de changer leur date de sortie pour ne pas se retrouver face à la popstar.
Quand Swift a annoncé la sortie au cinéma d’une tournée qui, rappelons-le, n’est pas terminée, certains ont pu tiquer. Pourquoi « spoiler » un concert que le monde entier veut voir ? Pourquoi tout dévoiler avant même de s’envoler pour l’Europe ? Si seule la concernée a la réponse, force est de constater que Swift est dans une ère où, concrètement, elle peut faire ce qu’elle veut. Quand elle le veut – en pariant que ce sera un succès. Les fans ayant un billet n’auront qu’une envie, revivre l’expérience ‘in real life’. Et les autres, ceux qui, peut-être, n’avaient pas cerné l’ampleur du phénomène, se diront que, peut-être, acheter une place serait une bonne idée.
Bref, Taylor Swift a monté cette tournée gigantesque pour ses fans… qui le lui rendent bien.