Deuxième round hier soir pour U2 qui investit l’AccordHotels Arena fraichement rénovée jusqu’à dimanche soir. De retour dans des salles à taille humaine, le groupe a t-il été à la hauteur de toutes les attentes ? On vous raconte.
Le nouveau Bercy, fraichement rénové, agrandi et renommé AccorHotelsArena, a ré-ouvert ses portes le mois dernier et relançait la saison des concerts avec un invité des plus prestigieux. U2 avait en effet la tâche d’essuyer les plâtres avec une série de quatre shows sold out dans la capitale. Quoiqu’on en dise, quoiqu’on en pense, une tournée de U2 est toujours un événement. Présenté depuis des années comme le plus grand groupe du monde, les rockeurs irlandais nous ont habitués à des shows monstrueux, rivalisant d’inventivité afin de proposer une expérience tant sonore que visuelle, à l’instar de leur impressionnant 360° Tour. Alors même si le treizième album Songs Of Innocence a surtout marqué les esprits par son coup marketing avec Apple, le public était plus que jamais au rendez-vous hier soir. Pour cette tournée planétaire Innocence + Experience Tour débutée en mai au Canada, Bono et ses acolytes boudent les stades au profit de salles à taille (relativement) plus modeste, cherchant à retrouver plus de proximité avec leurs fans. C’est au son de « People Have The Power » de Patti Smith que le quatuor fait son entrée sous les hurlements, avant d’attaquer avec « The Miracle (of Joey Ramone) », extrait du dernier album. La sobriété est de mise et le groupe évolue sur une scène rectangulaire, modestement décorée d’une grosse ampoule lumineuse. Dès les premières notes de « Vertigo », le public s’enflamme et il faut reconnaître qu’une telle proximité avec des artistes de cette renommée est rare. Astucieux mélange d’anciens tubes et de nouvelles chansons, la setlist a le mérite de faire vibrer toutes les générations, tant les plus jeunes que les fans de longue date. U2 retrouve ses origines sur « I Will Follow », le tout premier single sorti en 1980, avant le moment émotion sur « Iris », durant lequel Bono rend hommage à sa mère décédée prématurément.
Parce qu’un concert de U2 se doit forcément d’être spectaculaire, on attend avec impatience l’élément central du show : l’immense écran géant qui traverse la salle dans sa longueur, monte et descend au dessus du public en formant un énorme mur au milieu de la fosse. Sur « Cedarwood Road », Bono se retrouve propulsé dans les lieux de son enfance et se balade dans les rues où il a grandi grâce à de brillants jeux de lumières. Une prouesse technologique et de superbes effets sonores et visuels, certes. Mais uniquement dans le cas où on se trouve placé face à l’écran. Depuis la fosse ou les gradins latéraux le groupe est en dehors du champ de vision d’une bonne partie du public pendant plusieurs chansons, provoquant une sacrée baisse d’énergie. Car si le groupe joue en configuration 360°, la scène elle, n’a rien de circulaire et cet immense mur dressé au milieu de la salle laisse la moitié des spectateurs de côté. Il faut cependant reconnaître que Bono et sa bande connaissent leur métier et l’exécutent brillamment.
Tout est parfaitement orchestré, le show est millimétré dans les moindres détails, jusqu’à l’habituelle venue des fans sur scène qui permet à U2 de prouver une nouvelle fois qu’après des années de carrière, il a su rester proche de son public. Sans parler de la diffusion du concert en direct dans le monde via Facebook le temps d’une chanson, pour un moment d’interactivité avec les fans de toute la planète. Les quatre concerts parisiens de U2 sont d’ailleurs filmés en vu d’être prochainement diffusés sous forme de documentaire sur la chaine américaine HBO. Alors que leurs hits au succès planétaire faisaient déjà vibrer les foules il y a plusieurs décennies, ils sont porteurs d’un message toujours autant d’actualité. Parce que oui, U2 est un groupe engagé. Le groupe profite de cet immense écran lumineux pour multiplier les messages de soutien envers les causes qui lui tiennent à cœur. La lutte contre le SIDA, la réconciliation en Irlande, le soutien aux réfugiés… tout y passe. De « Sunday Bloody Sunday » à « Elevation » ou « Bullet the Blue Sky », le quatuor déverse ses morceaux puissants, portés par les habituels messages de paix qu’on aperçoit ça et là sur les écrans géants.
A 55 ans, Bono paraît bien raide depuis son accident de vélo l’année dernière, qui l’empêche désormais de jouer de la guitare. Mais il n’a pas pour autant perdu en puissance vocale. Sur « Every Breaking Wave », le chanteur nous offre un sublime moment d’émotion, soutenu par les notes de piano de The Edge. S’ensuit une version poignante de « October », durant laquelle défilent des images de la Syrie ravagée par les conflits. Professionnels jusqu’au bout des doigts, Adam Clayton, The Edge et Larry Mullen Jr semblent eux aussi prendre autant de plaisir qu’à leurs débuts. Le show touche doucement à sa fin et les Irlandais balancent maintenant des hits à la pelle : l’incontournable « Where The Streets Have No Name », puis « Pride (In The Name Of Love) », et enfin le puissant « With Or Without You » alors que la salle s’illumine de dizaines de tubes néons, conférant à l’arène un côté intimiste. Le quatuor quitte la scène bras-dessus bras-dessous avant de revenir une dernière fois pour relancer la machine à tubes. Véritables hymnes planétaires, « City Of Blinding Lights » et « Beautiful Day » ont vite fait de mettre tout le monde d’accord. Un joli moment de communion sur « One » vient achever près de 2h30 de show. Alors bien sûr, musicalement, U2 n’a pas failli à sa réputation de groupe emblématique de l’histoire du rock. Véritables bêtes de scènes, ils ont su traverser les décennies en proposant constamment des titres plus puissants et majestueux, et reviendront d’ailleurs dès l’année prochaine avec un nouvel album Songs Of Experience. Mais après l’extraordinaire 360° Tour, qui faisait vivre au public une expérience totalement inédite et bluffante, le Innocence + Experience Tour propose un concert plus classique. Mais le plaisir lui, est toujours présent.